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Les frères Wright furent-ils les premiers ? Ou non ?

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Antonio Rodríguez-Laiz

AERTEC / Marketing & Communication

Le 17 décembre 2023 marque le 120e anniversaire de ce qui est généralement considéré comme le premier vol d’un avion, qui n’est autre que celui des frères Wright. Mais s’agit-il vraiment du premier vol de l’histoire ?

En effet, le 17 décembre 1903, après plusieurs tentatives infructueuses, le plus jeune des frères Wright, Orville, se hissa dans un appareil plus lourd que l’air, le Flyer, et effectua un vol de 12 secondes sur une distance de 36 mètres. Aujourd’hui, ce n’est pas grand-chose, mais à l’époque, cet événement a représenté un important précédent pour l’industrie aéronautique, qui faisait alors ses premiers pas.

Plusieurs candidats peuvent remporter la palme du premier vol de l’histoire selon les critères qui sont retenus pour définir ce concept.

Néanmoins, cette affirmation a suscité une certaine controverse, car beaucoup pensent que le premier vol qui devrait réellement être considéré comme tel n’est pas celui des frères Wright. Dans la liste des pionniers aspirant à cette haute distinction figurent, entre autres, Alberto Santos Dumont, Samuel Langley, Clément Ader, Glen Curtiss et Gustave Whitehead. Pour résoudre cette affaire, demandons-nous ce qui est considéré comme un avion, ce qui est considéré comme un vol, si un brevet est déposé, ou même si le vol est certifié par un organisme officiel ou par un public autre qu’une poignée de membres de la famille ou d’amis. Les options sont variées et, par conséquent, il peut y avoir plusieurs réponses.

Si « voler » signifie lever les pieds du sol, atterrir en vie et raconter l’expérience, alors nous devons remonter à l’an 875, date du vol de l’Andalou Abbas Ibn Firnas depuis la colline d’Arruzafa, à Cordoue (Espagne). Certes, il s’agit d’un vol plané et sans grand contrôle, mais d’un vol tout de même. Plus tard, en 1010, Eilmer de Malmesbury s’élança avec un autre planeur depuis une tour de son abbaye, parcourant 200 mètres dans le Wiltshire (Royaume-Uni). Tous deux finirent avec quelques fractures à l’atterrissage, mais ils réussirent malgré tout à voler et à survivre quelques années de plus pour en parler.

Eole, Clement Ader
« Eole » de Clément Ader

En revanche, nous devons le tout premier appareil plus lourd que l’air, autopropulsé, piloté et s’élevant sur quelques mètres à l’ingénieur français Clément Ader. La communauté aéronautique tend à admettre qu’il put faire décoller et faire voler le 9 octobre 1890 sa machine Éole. Le « saut » fut totalement incontrôlé, parvenant à peine à parcourir une distance de 100 mètres à quelques centimètres du sol. Finalement, l’engin s’écrasa lourdement. On le considère comme la première « machine volante » qui partage la plupart de ses concepts avec les aéronefs actuels, même si le contrôle du vol n’était pas au point.

Quelques années avant, l’inventeur français Alphonse Pénaud parvint à faire voler ses modèles d’avion, mais à petite échelle. Il est d’ailleurs considéré comme le père de l’aéromodélisme. Le 18 août 1871, il fit voler en public l’un de ses modèles, propulsé par des bandes de caoutchouc faisant tourner les hélices ; pouvant ainsi parcourir près de 60 mètres en 11 secondes. N’oublions pas que, dans ce cas, l’aéronef n’était ni piloté ni contrôlé ; pourtant, ses conclusions influencèrent par la suite des précurseurs de l’aéronautique tels que George Cayley, Samuel Langley et les frères Wright eux-mêmes, qui s’inspirèrent de certains de ses modèles.

El "Albatros" de Gustave Whitehead
« Albatros » de Gustave Whitehead

Le premier vol motorisé piloté dont il reste une trace écrite a été réalisé le 14 août 1901 dans le Connecticut (États-Unis) par l’ingénieur d’origine allemande Gustave Whitehead. Il s’était inspiré des modèles de son compatriote Otto Lilienthal, auxquels il avait apporté quelques adaptations et ajouté un petit moteur. Son vol le plus long dépassa les 2 kilomètres et atteint une hauteur d’environ 60 mètres après avoir décollé par ses propres moyens. Pour le premier vol, il utilisa un moteur léger à deux cylindres de 20 chevaux (15 kW) que lui-même avait construit, bien qu’il en augmenta la puissance par la suite. Au décollage, le moteur se chargeait d’accélérer les roues jusqu’à ce que, à un moment donné, le pilote transférait la puissance aux hélices au moyen d’un mécanisme, générant ainsi la poussée nécessaire pour se maintenir dans les airs.

Même si plusieurs médias locaux et nationaux en parlèrent, Whitehead n’enregistra jamais ses progrès, de sorte que tout litige en matière de brevets était perdu d’avance. En effet, alors que l’aviation commençait à promettre un bel avenir, il ne put rien faire lorsqu’il voulut faire reconnaître à tout prix certaines de ses avancées. Les défenseurs des frères Wright, parmi tant d’autres, remirent en question ses vols de 1901 et 1902, arguant qu’il n’existait aucun témoignage graphique, même si de nombreux médias de l’époque s’en firent écho et que des personnes témoignèrent sous serment avoir vu voler certains de ses engins.

"Aerodrome A" de Samuel Langley
« Aerodrome A » de Samuel Langley

À la même époque, le physicien et inventeur américain Samuel Langley conçut et construisit son premier avion, doté d’un moteur à vapeur, mais non piloté. Le développement d’une version pilotée fut soutenu financièrement par le gouvernement et la Smithsonian Institution, dont il était le secrétaire. Équipé d’un moteur à essence de 53 chevaux, il tenta de faire décoller son modèle « Aerodrome A » d’une barge sur laquelle était installée une catapulte. L’appareil pouvait contrôler la pente et le virage, mais pas l’inclinaison, il dépendait donc de la répartition du poids du pilote lui-même pour maintenir le bon angle. Ses modèles volèrent des années plus tard avec d’autres pilotes, mais lors de ses dernières tentatives, les 7 et 8 décembre 1903, les aéronefs tombèrent dans la rivière Potomac sans avoir pu prendre leur envol.

"Flyer" de los Hermanos Wright
« Flyer I » des frères Wright

Dix jours plus tard, le 17 décembre 1903, les frères Orville et Wilbur furent capables de voler avec leur avion au-dessus des dunes de Kitty Hawk en Caroline du Nord (USA). Depuis 1900, ils y consacraient de nombreuses heures de travail et avaient investi un peu plus de 2 000 dollars pour y parvenir. Leur modèle Flyer I, un avion de 35 kg construit à partir de matériaux de base (bois d’épicéa et de frêne pour le cadre et toile de mousseline pour les ailes) et propulsé par un moteur de seulement 12 chevaux, parcourut quelque 40 mètres en douze secondes. Ils continuèrent à perfectionner leurs modèles et, en octobre 1905, ils étaient capables de contrôler leur aéronef au point de suivre une trajectoire prédéfinie et de rester en vol pendant plus d’une demi-heure.

Notons que les frères Wright furent les premiers à comprendre qu’une hélice est en fait une voilure tournante qui doit avoir un profil aérodynamique. Les hélices qu’ils fabriquèrent pour leur vol de 1903 étaient presque aussi efficaces (environ 70 %) que les hélices en bois que nous pouvons produire aujourd’hui, ce qui est une réussite exceptionnelle.

Il est vrai que leur premier vol passa quasiment inaperçu pour les médias et l’opinion publique, et ne fut suivi que par une poignée de proches collaborateurs. En effet, les frères Wright eux-mêmes préféraient ne pas diffuser leurs travaux, car ils voulaient continuer à travailler sans témoins susceptibles de copier leurs idées. Ils voulaient avoir suffisamment de temps pour perfectionner leur appareil sans pour autant faciliter la tâche aux autres pionniers. Le travail commercial en cours et les contrats potentiels avec les gouvernements étaient en fait la clé de ce zèle.

El "14bis" de Santos Dumont
« 14bis » de Santos Dumont

Le premier grand débat sur la question de savoir « qui fut le premier » (qui est encore d’actualité) a été amorcé par les travaux d’Alberto Santos Dumont. En fait, si l’on considère qu’un « avion » est une machine plus lourde que l’air, capable de décoller par ses propres moyens (sans aide), de revenir à son point de départ et d’atterrir en douceur, alors c’est au modèle « 14bis » de Santos Dumont que revient le premier vol, le 23 octobre 1906.

Le 14bis décolla seul et sans l’aide de dispositifs de lancement, parcourut 60 mètres en 7 secondes, devant plus d’un millier de spectateurs. En outre, le vol 14bis fut le premier de l’histoire à être homologué par une institution aéronautique, l’Aéro-Club de France.

Toutefois, les frères Wright déposèrent leur brevet avant Santos Dumont.

June Bug, Glenn Curtiss
« June Bug » de Glenn Curtiss

Le 4 juillet 1908, Glenn Curtiss, un fabricant de moteurs d’Hammondsport, effectua ce que l’on considère comme le premier vol public aux États-Unis, annoncé à l’avance, avec son aéronef « June Bug ». Ce vol lui valut le prix du Scientific American. Il le fit en tant que membre de l’AEA (Aerial Experiment Association), créée par Alexandre Graham Bell. Un mois plus tard, les frères Wright effectuèrent leurs premiers vols publics, avec alors un important niveau de perfection dans la gestion des différentes phases du vol.

Voilà donc quelques-uns des principaux précurseurs de ces années-là, à une époque où l’on étudiait la possibilité de faire voler un aéronef plus lourd que l’air. Depuis lors, l’éventail de contributions et de réalisations dans le domaine du vol s’est accru de manière exponentielle.

Inutile de dire que la lutte pour les brevets relatifs aux avions et aux systèmes de vol issus de ces premières années du 20e siècle fut acharnée. Au-delà de cette étape importante, il faut admettre que si le mérite d’avoir effectué le premier vol revient à l’un des précurseurs mentionnés dans cet article, il n’en est pas moins vrai qu’avant eux, des dizaines de pionniers ont énormément apporté pour réussir à faire décoller, voler et atterrir de manière contrôlée un engin plus lourd que l’air.

Alors… Qui fut le premier à voler ?

 

 

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