Skip to content

Ballons espions… ou pas

Manuel T. Rodríguez Jiménez

Manuel T. Rodríguez Jiménez

AERTEC / Airport Planning & Design

Pendant longtemps, ils sont restés largement méconnus ou, pour le moins, sont passés inaperçus du grand public. Cependant, à la suite des informations récentes faisant état de la destruction d’un ballon par le gouvernement des États-Unis, ainsi que de cas similaires au Canada et dans d’autres pays, de nombreuses questions se posent à propos de ces aéronefs.

Les ballons sont utilisés depuis le XVIIIe siècle à de nombreuses fins civiles et militaires et, encore aujourd’hui, alors que la technologie offre de nombreuses alternatives, ils restent un choix de prédilection pour certaines utilisations.

Avant toute chose, il convient de se faire une idée du type de ballons dont il s’agit. Il ne s’agit pas des montgolfières de loisir que nous voyons souvent traverser nos paysages, mais de modèles plus spécialisés opérant à des altitudes considérables. Vous trouverez des informations détaillées à leur sujet sur les sites web de la NASA, notamment : Scientific balloons et Columbia Scientific Balloon Facility.

Ces pages présentent une classification des ballons à usage scientifique. Trois catégories principales sont indiquées en fonction de la durée du vol : les ballons conventionnels, les ballons de longue durée (LDB = Long Duration Ballooning) et les ballons à ultra haute durée (ULDB = Ultra Long Duration Ballooning). Le premier des trois types est la montgolfière commerciale, de loisir ou de transport, que nous connaissons le mieux. Toutefois, dans le cas présent, les plus intéressants sont les LDB et les ULDB.

Ils sont considérés comme de type LDB lorsque la durée du vol est d’environ 3 semaines. Au cours de cette période, ils peuvent traverser des continents ou faire le tour du monde. Ces ballons utilisent des systèmes électroniques basés sur des satellites artificiels pour le contrôle et la saisie des données. Pour être considérés comme des ULDB, ils doivent pouvoir voler jusqu’à cent jours, être conçus en forme de citrouille et résister à d’importantes variations de pression.

Ces ballons spéciaux et destinés généralement à un usage scientifique sont également connus sous le nom de ballons stratosphériques et peuvent transporter des charges utiles à des altitudes allant jusqu’à 40 kilomètres, là où l’atmosphère est très légère et où les effets de la gravité commencent à diminuer. Cela permet de réaliser des expériences scientifiques qui ne sont pas possibles au sol ou qui seraient plus coûteuses à réaliser dans l’espace pour obtenir des conditions similaires. Pour nous donner une idée précise de ce que représente cette hauteur, et bien qu’elle puisse paraître exagérée, elle correspond à près d’un tiers de la hauteur des satellites artificiels du type connu sous le nom d’orbite terrestre basse (LEO = Low Earth Orbit en anglais). Cette orbite basse part de 150 km au-dessus de la surface de la Terre et peut atteindre 2000 km. C’est là que se trouvent la plupart des satellites d’observation, ainsi que la Station spatiale internationale et le télescope spatial « Hubble ».

La NASA et d’autres agences spatiales utilisent depuis de nombreuses années des ballons scientifiques pour mener à bien un large éventail de missions de recherche. Ces missions s’étendent de l’étude de l’atmosphère et du climat de la Terre à l’exploration de planètes et de galaxies lointaines en installant des télescopes sur ces ballons pour profiter de l’atmosphère moins dense et plus propre à cette altitude (comme dans le cas des observatoires de montagne, par exemple). En effet, les ballons scientifiques sont une alternative économique et flexible aux satellites conventionnels, car ils peuvent transporter des charges utiles beaucoup plus grandes, lourdes et complexes.

Outre les différences sur la base de la durée du vol, les ballons sont également classés en fonction des différents types d’expériences scientifiques qu’ils permettent de réaliser : En prenant à nouveau la NASA comme référence, nous obtiendrions les résultats suivants :

  • Ballons à haute altitude : Ce sont les ballons scientifiques les plus courants utilisés par les agences météorologiques dans différents pays. Ils sont utilisés pour étudier l’atmosphère terrestre, le climat et la physique solaire. Ces ballons peuvent transporter des charges utiles allant jusqu’à quatre tonnes à plus de 36 kilomètres d’altitude, ce qui permet aux scientifiques d’étudier l’atmosphère et la météorologie de la Terre sous une perspective unique. Le ballon chinois abattu pourrait être de ce type, selon certaines sources.
  • Ballons circumpolaires : Ils sont utilisés pour étudier la région polaire de l’atmosphère et de l’espace. Ils sont lancés au pôle Nord ou au pôle Sud et volent autour du pôle pendant plusieurs jours, ce qui permet aux scientifiques d’étudier les aurores boréales et australes, ainsi que les conditions météorologiques dans les régions polaires, qui ont un impact majeur sur le climat de notre planète tout entière.
  • Ballons à longue portée : Conçu pour étudier les régions éloignées du monde, telles que l’océan Pacifique ou l’Arctique. Ces ballons peuvent voler pendant plusieurs jours et transporter des charges utiles qui mesurent la température de l’eau, la salinité, la turbulence, ce qui permet de réaliser des études océanographiques et météorologiques dans ces régions où il est difficile de maintenir une station météorologique.
  • Ballons télescopiques : Ils sont utilisés pour transporter des dispositifs d’observation astronomique optiques ou électroniques et, comme mentionné ci-dessus, évoluent à des altitudes allant jusqu’à 40 kilomètres. Grâce à leur emplacement, ils permettent aux scientifiques de mener des études astronomiques et astrophysiques dans une perspective encore meilleure que celle des observatoires situés sur des montagnes isolées, en évitant les effets de la basse atmosphère et de la pollution lumineuse. Outre les télescopes optiques classiques, ils peuvent transporter d’autres charges utiles destinées à mesurer le rayonnement cosmique, à étudier la composition de l’univers ou la formation des étoiles et des galaxies.

Les ballons scientifiques ne sont pas nouveaux, au contraire, ils constituent un outil important pour la recherche scientifique depuis des décennies, qu’il s’agisse d’étudier l’atmosphère et le climat de la Terre ou d’explorer des planètes et des galaxies lointaines. Compte tenu de leur capacité de charge et de leur faible coût de lancement, ils peuvent être facilement adaptés à différents types d’expériences scientifiques.

Parmi les laboratoires spécialisés dans ce type de ballons, la NASA dispose du Scientific Columbia Balloon Facility (CSBF) qui est un centre de recherche scientifique situé au Nouveau-Mexique (États-Unis), dédié à la conception, à la construction, au lancement et à l’exploitation de ballons scientifiques pour la recherche dans l’atmosphère et l’espace.

Le CSBF est un organisme faisant partie de la NASA et géré par le Centre de vols spatiaux Goddard de l’agence. L’installation est dotée d’un personnel issu de plusieurs disciplines, notamment des ingénieurs, des techniciens et des scientifiques, et exploite la flotte de ballons scientifiques la plus importante et la plus avancée au monde.

Les ballons scientifiques développés et exploités par le CSBF font partie des plus grands qui ont été officiellement documentés. Ils possèdent des capacités de charge allant de quelques centaines de kilogrammes à plus de quatre tonnes. Ces ballons sont lancés à partir d’une rampe de lancement spécialement conçue à cet effet, ce qui permet de les utiliser en toute sécurité et de récupérer facilement les charges utiles après les vols.

Un exemple non conventionnel de l’utilisation de ces ballons scientifiques et, surtout, de leur polyvalence, est le projet Solar Scope BITSE (Balloon-borne Investigation of Temperature and Speed of Electrons in the corona) de la NASA, qui vise à étudier la couche externe du Soleil connue sous le nom de couronne solaire.

Le projet BITSE Solar Scope utilise un ballon à haute altitude pour soulever un télescope spécialisé à quelque 36 kilomètres au-dessus de la Terre. Le télescope est conçu pour étudier la couronne solaire, la couche la plus externe et la moins bien connue de l’atmosphère du Soleil, où les températures sont extrêmement élevées et les vitesses des particules très rapides. Il est capable de mesurer la température et la vitesse des électrons dans la couronne solaire à l’aide d’une technique appelée radiospectroscopie. Cela permet d’obtenir des données sur la façon dont l’énergie et la chaleur sont transférées à travers la couronne et sur la façon dont les tempêtes solaires peuvent affecter la Terre.

Depuis que les frères Montgolfier ont fait voler leur premier ballon en public à Paris en 1783, ce type d’aéronef a connu de nombreuses utilisations, tant civiles que militaires. Ils ont été utilisés pour l’exploration, l’observation, le transport de passagers et de marchandises, les compétitions sportives, l’espionnage et même les bombardements en temps de guerre… et bien que l’apparition des avions les ait relégués au second plan, ils ont continué à offrir un large éventail d’utilisations qui perdurent encore aujourd’hui. Même les compétitions les plus importantes du XXe siècle et du siècle actuel continuent d’impliquer des montgolfières, comme c’est le cas de la Coupe Aéronautique Gordon-Bennett, à laquelle Félix Gómez-Guillamón a participé (lire ici).

Pour en revenir au cas du ballon chinois récemment abattu, il existe un fait commun à tous les ballons depuis leur invention par les frères Montgolfier et quelle que soit leur utilisation : les ballons volent là où le vent les pousse (plus ou moins). Pour cette raison, quelle que soit la mission pour laquelle il a été déployé, le manque de contrôle de son itinéraire peut conduire à des incidents tels que celui mentionné précédemment.

 

Stratospheric baloons

Partager cet article