Suzanne Benoît est Présidente d’Aéro Montréal.
« Plus de 80 % des dirigeants du secteur aéronautique et spatial pensent que leurs employés utiliseront des systèmes d’intelligence artificielle dans les prochaines années ».
Depuis 2006, Aéro Montréal travaille pour des entreprises et des institutions du secteur aéronautique et spatial du Québec. Quels ont été les principaux défis relevés au cours de ces années, et quels seront les prochains ?
Le secteur aéronautique et spatial est confronté à une concurrence de plus en plus mondialisée. Cela nous oblige à mettre au point différentes stratégies, afin d’assurer la compétitivité de nos PME.
L’un des plus importants défis auquel nous avons dû faire face a été la transformation de la chaîne d’approvisionnement :
- Transformation de la chaîne d’approvisionnement. Nos entreprises travaillent de moins en moins directement avec les équipementiers. Elles doivent mener leurs activités avec des entreprises de Niveaux 1 et 2 qui vendent des sous-ensembles plus complets aux équipementiers. Nos PME ont donc dû revoir leur stratégie de développement commercial et travailler avec de nouveaux clients, en utilisant de nouvelles méthodes.
Dans un contexte de concurrence très vive, l’innovation a toujours été perçue comme un défi majeur. Pour répondre à votre troisième question, il y a effectivement des défis à venir. Les petites et moyennes entreprises jouent un rôle important dans le secteur aéronautique et spatial. Quels seront les principaux défis qu’elles affronteront dans un futur proche ?
- Internationalisation/fusions/collaborations : nos PME doivent atteindre une masse critique plus importante pour travailler avec des entreprises de Niveau 1 ou de Niveau 2. Pour cela, elles doivent travailler plus étroitement avec d’autres entreprises, le plus souvent basées à l’étranger, qui offrent des sous-ensembles plus complets aux intégrateurs. Pour augmenter la masse critique d’une entreprise, il faut passer par des fusions/acquisitions.
- Adopter l’évolution au 4.0 et la transition vers le numérique : cette étape est essentielle pour toutes les PME qui souhaitent innover et croître.
- Diversifier la base de clients et les marchés : nos PME ne peuvent plus dépendre d’un seul client. Pour continuer à exister à la fin d’un programme aéronautique, elles doivent être présentes sur d’autres marchés croissants, parmi lesquels ceux des drones, des opérations de maintenance et de réparation, ainsi que de la défense.
- Surmonter la pénurie de main-d’œuvre : il s’agit actuellement du principal défi pour toutes les entreprises. Avec 37 000 postes à pourvoir dans les dix prochaines années, l’industrie aérospatiale du Québec doit mettre en place des campagnes pour attirer de la main-d’œuvre étrangère et intéresser les jeunes Québécois à poursuivre une carrière dans le domaine aéronautique et spatial.
Pour répondre à la deuxième partie de votre question, il est essentiel de conserver des pôles de compétitivité très efficaces, car notre rôle est de soutenir nos PME en mettant en place des programmes et des initiatives pour les aider dans leur stratégie de croissance.
Créée en 2006, Aéro Montréal est un organe de réflexion stratégique, qui regroupe les principaux décideurs du secteur aéronautique et spatial du Québec, parmi lesquels des entreprises, des instituts d’enseignement et de recherche, des associations et des syndicats. Le pôle de compétitivité a mis sur pied des groupes de travail adaptés aux défis que rencontre le secteur, et il veille à ce que ceux-ci proposent des solutions concrètes aux questions que l’industrie soulève.
Il est également important de conserver un pôle de compétitivité solide, car nous développons de nombreux accords internationaux avec des regroupements situés à l’étranger. Ils nous permettent de faciliter les interactions entre nos entreprises et celles situées à l’étranger, qui pourraient avoir des besoins complémentaires.
Innovation : notre objectif est de devenir le pôle de compétitivité le plus innovant au monde avant 2022. Cette culture de l’innovation est profondément ancrée dans nos entreprises, et elle est essentielle à toute réussite.
Aéro Montréal a récemment publié une importante étude sur les synergies potentielles entre l’intelligence artificielle et le secteur aéronautique et spatial à Montréal. Quelles sont les principales conclusions de cette étude ?
Dans le secteur aéronautique et spatial, le passage à l’intelligence artificielle est relativement récent. Les entreprises de notre secteur commencent à peine à mettre au point un certain nombre de solutions liées à l’intelligence artificielle.
Cette technologie prendra son essor au sein des entreprises aéronautiques et spatiales, notamment grâce à la réalité augmentée, aux outils connectés et à la robotique. Plus de 80 % des dirigeants du secteur aéronautique et spatial pensent que leurs employés utiliseront des systèmes d’intelligence artificielle dans les prochaines années.
Cependant, pour adopter ces nouvelles technologies, nos entreprises doivent unir leurs forces et travailler ensemble. C’est la raison pour laquelle nous encourageons nos PME à développer des collaborations, en particulier avec des entreprises dans d’autres secteurs industriels et en lien avec l’intelligence artificielle.
L’arrivée de l’intelligence artificielle aura également un impact significatif sur les effectifs. Dans les dix prochaines années, on estime que 50 % des postes seront transformés par l’arrivée de l’intelligence artificielle. Les centres de formation devront adapter leurs programmes de formation.
Montréal dispose aussi d’un avantage compétitif évident en matière d’intelligence artificielle depuis la mise en place dans sa région du pôle SCALE AI. Son objectif est d’accroître le développement économique grâce à l’adoption rapide et l’intégration de l’intelligence artificielle dans les chaînes d’approvisionnement.
Le secteur aéronautique et spatial est l’un des principaux moteurs des exportations du Québec. Quels sont les points forts de l’industrie aéronautique et spatiale québécoise et quels sont les objectifs à atteindre dans les prochaines années ?
Plus de 80 % de la production aéronautique et spatiale du Québec est exportée en dehors du Canada. Notre écosystème offre des atouts très variés :
- Tout d’abord, sa diversité est considérable. Nous possédons des entreprises capables de fabriquer pratiquement tous les composants d’un avion. Nous hébergeons également six équipementiers (Airbus, Bombardier, Mitsubishi, CAE, Pratt & Whitney Canada et Bell) dans notre région, ainsi que 200 PME.
- Le tissu d’entreprises est géographiquement concentré. Parmi les entreprises qui composent notre pôle, 98 % sont situées dans un rayon de 30 km autour de Montréal, ce qui facilite la collaboration entre nos PME.
- Le secteur bénéficie d’un soutien gouvernemental. Nos deux niveaux de gouvernement sont très attentifs à nos besoins et soutiennent nos entreprises, en appuyant financièrement les initiatives et programmes conçus par le pôle afin de répondre aux besoins spécifiques de notre secteur.
- Des effectifs spécialisés et un réseau de six universités proposent une concentration de programmes de maîtrise conjoints, spécialisés dans le secteur aéronautique et spatial, ainsi que deux écoles professionnelles spécialisées en aéronautique.
- Le secteur possède une culture de l’innovation. Plus de 70 % de la recherche et développement du secteur aéronautique et spatial s’effectue au Québec. Nos entreprises investissent massivement dans l’innovation afin de rester parmi les plus performantes au monde.
Chez Aéro Montréal, il existe actuellement différents groupes de travail. Quels sont les principaux projets en cours dans lesquels certains groupes sont impliqués ?
Aéro Montréal mobilise environ huit groupes de travail :
- Croissance
- Effectifs de prochaine génération
- Opérations de maintenance et de réparation
- Véhicules aériens sans pilote
- Défense et sécurité
- Intelligence et stratégies d’innovation
- Chaîne d’approvisionnement verte et intelligente
- Marque et promotion
Ces groupes de travail se composent de professionnels de l’industrie et mènent différentes initiatives, parmi lesquelles :
MACH – Favoriser la collaboration et l’innovation au sein de la chaîne d’approvisionnement et améliorer la performance et la compétitivité des fournisseurs.
- 5 cohortes actives et près de 60 fournisseurs engagés
- Plus de 600 projets menés à bien
- Plus de 6,6 millions de dollars investis dans des projets
MACH FAB 4.0 – Favoriser la mise en œuvre des technologies numériques et de la production avancée au sein des PME participantes.
- Un projet de 19 millions de dollars, dont 9,5 millions en fonds publics
- 21 projets en cours et 6 projets menés à bien
StartAéro 360° – Favoriser l’intégration et la commercialisation de technologies révolutionnaires dans la chaîne d’approvisionnement aérospatiale.
- Un projet de 4,3 millions de dollars, dont 3 millions en fonds publics
- Soutien apporté à 30 PME sur 3 années
Accelerator 360° – Soutenir la croissance et favoriser la collaboration entre les PME sur les marchés internationaux en aidant à la commercialisation au sein des chaînes d’approvisionnement mondiales.
- Un projet de 7,2 millions de dollars, dont 5 millions en fonds publics
- Soutien apporté à 35 PME
AeroPortal – Présenter les carrières et les métiers de l’industrie aéronautique et spatiale, et centraliser les informations et les offres d’emploi du secteur, pour les rendre accessibles au grand public et aux chercheurs d’emploi.
- Près de 20 000 abonnés sur Facebook et plus de 1 000 candidats dans le bassin d’emploi
- Près de 900 offres d’emploi publiées depuis le lancement du portail en 2016