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L’avenir des vols court-courriers

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Antonio Rodríguez-Laiz

AERTEC / Marketing & Communication

La décarbonisation de l’aviation est un objectif poursuivi par l’ensemble du secteur aéronautique et touche toutes les facettes de l’industrie. De la conception d’infrastructures, de procédures et de services aéroportuaires plus efficaces à l’optimisation de la conception des avions et des propulseurs, en passant par une gestion plus efficace des liaisons aériennes, tout est mis en œuvre pour atteindre cet objectif.

Cependant, il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit d’un défi mondial et complexe, avec de nombreuses implications économiques et sociales, raison pour laquelle les solutions apportées ne peuvent être ni simples, ni locales, ni purement politiques.

Ces dernières années, le secteur aéronautique est parvenu à réduire son empreinte carbone bien plus par ses propres moyens que par toute mesure externe lui ayant été imposée.

Dans ce contexte, l’une des initiatives proposées ces derniers temps concerne la suppression ou la réduction des vols court-courriers. Cette mesure attire l’attention, mais elle est plus symbolique qu’efficace. Une analyse rigoureuse montre qu’elle présente de nombreuses lacunes et, surtout, qu’elle ne résout pas le problème de fond.

La France a été le premier pays à adopter de telles mesures. Des dispositions visant à décourager les vols court-courriers au profit d’alternatives plus durables telles que le rail ont été incluses dans le contexte de la loi Climat et résilience de 2021. L’une des principales mesures était l’interdiction des vols intérieurs pour lesquels il existe une alternative ferroviaire de moins de 2,5 heures. Il existe toutefois des exceptions pour les vols en correspondance avec des aéroports internationaux ou en cas de « connexion de territoires ». Bien que la France soit dotée d’une infrastructure de transport très complète et bien structurée, la réalité est que cette mesure n’a concerné que trois liaisons, représentant 2,5 % des vols intérieurs et 3 % des passagers. En matière d’émissions de carbone, la réduction a été minime (0,9 %). Ce chiffre est en fait bien inférieur à ce que le secteur aéronautique lui-même parvient à réduire chaque année grâce à l’innovation, au développement et aux meilleures pratiques.

En ce qui concerne les vols court-courriers, il convient de rappeler qu’ils ont des effets économiques et sociaux positifs sur les régions qu’ils desservent, dont il faut également tenir compte :

Impact positif sur le tourisme : Les vols court-courriers facilitent le tourisme en permettant aux voyageurs de se rendre plus facilement et plus rapidement dans une région donnée. Cela a un impact direct sur l’économie liée à l’hébergement, à la restauration, aux activités de loisirs et au commerce local.

Connectivité commerciale plus équitable : Ces vols facilitent les voyages d’affaires et la coopération commerciale, en permettant aux personnes de se déplacer rapidement entre les villes et les régions. Cela se traduit par des investissements, des transactions commerciales et une collaboration entre les entreprises de l’ensemble du territoire, autant de facteurs essentiels pour stimuler la croissance économique et la création d’emplois.

Économie de niche : Les aéroports desservant des vols court-courriers sont eux-mêmes des centres d’activité économique, de développement régional et de création d’emplois dans les services liés à l’aviation.

Accès efficace aux marchés mondiaux : Les vols court-courriers améliorent l’accès et la compétitivité des entreprises locales sur un marché plus large en facilitant la mobilité, le transport de marchandises et la participation à des événements commerciaux internationaux.

De même, la suppression ou la réduction des vols court-courriers peut entraîner des coûts (économiques, salariaux, sociaux, etc.) directs et indirects qui ne sont pratiquement jamais mentionnés. En voici quelques-uns :

Les compagnies aériennes, par exemple, peuvent subir des coûts directs en raison de la perte directe de revenus due à la réduction ou à la suppression des vols court-courriers. En outre, elles devraient réorganiser leurs structures et leurs flottes pour s’adapter aux nouvelles liaisons et aux réglementations et politiques qui découragent les vols court-courriers. Cela peut entraîner une augmentation directe du prix des billets pour les citoyens.

Pour offrir une véritable alternative aux vols court-courriers, il faudra peut-être investir dans des projets d’infrastructures ferroviaires ou dans d’autres modes de transport alternatifs afin de garantir que les passagers disposent d’options viables et attrayantes. Ne perdons pas de vue les autres impacts.

La réduction des vols court-courriers peut également avoir un impact négatif sur le tourisme et l’économie locale dans les régions touchées, en particulier si ces vols constituent une part importante de la connectivité aérienne de la région ou s’ils dépendent fortement du tourisme intérieur.

La réduction des vols court-courriers pourrait également affecter les employés directs et indirects du secteur aérien, ce qui pourrait nécessiter des programmes de reconversion de la main-d’œuvre ou des mesures de soutien pour les personnes qui perdent leur emploi à la suite d’une réduction de l’activité dans le secteur.

En fin de compte, il faut partir du principe que, si la réduction des vols court-courriers peut avoir certains avantages environnementaux et économiques à long terme, elle peut aussi avoir des incidences et des coûts importants, tant pour les compagnies aériennes que pour les régions concernées.

En réalité, le secteur aéronautique travaille déjà depuis de nombreuses années de son côté pour atteindre l’objectif de zéro émission d’ici à 2050. La réduction des émissions de carbone dans le secteur de l’aviation est un défi complexe qui nécessite des approches pluridisciplinaires et collectives, allant bien au-delà de mesures attrayantes, mais inefficaces.

En fait, l’objectif de décarbonisation a déjà permis de réaliser des progrès significatifs dans certains aspects clés du secteur :

Des investissements importants dans la recherche et le développement de technologies aéronautiques plus efficaces et plus propres ont déjà permis de réduire considérablement les émissions de carbone. Cela inclut la conception d’avions plus légers, dotés d’une aérodynamique plus avancée et propulsés par des moteurs plus efficaces.

L’optimisation des liaisons et des opérations est une autre piste intéressante. Améliorer l’efficacité opérationnelle des compagnies aériennes permet de réduire la consommation de carburant et donc les émissions de carbone. Pour ce faire, il convient d’optimiser les liaisons, d’utiliser des technologies de navigation plus avancées, de gérer efficacement le trafic aérien et de mettre en œuvre des pratiques opérationnelles plus durables.

Les biocarburants pour l’aviation, produits à partir de sources renouvelables telles que les cultures agricoles, les déchets organiques ou les algues, réduisent considérablement les émissions de carbone par rapport aux combustibles fossiles.

La modernisation des infrastructures aéroportuaires, y compris la mise en œuvre de systèmes d’énergie renouvelable, l’optimisation de la gestion des flottes et l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments et des équipements ne doivent pas être négligées.

Les taxes sur le carbone, les réglementations sur les émissions et d’autres mécanismes économiques contribuent à inciter les compagnies aériennes à réduire leurs émissions de carbone et à adopter des pratiques plus durables. Il est question de fixer des plafonds d’émission, d’établir des normes d’efficacité en matière de carburant ou de promouvoir l’investissement dans les technologies propres.

Enfin, la nécessité de définir des critères clairs pour la planification intermodale des transports, y compris la promotion d’alternatives durables, ne doit pas être négligée.

En résumé, la réduction des émissions de carbone dans l’aviation nécessite une combinaison d’approches technologiques, opérationnelles, réglementaires et politiques qui portent à la fois sur les émissions des aéronefs et sur l’infrastructure et les opérations associées à l’industrie aéronautique.

La réduction ou l’élimination des vols court-courriers est une mesure qui a déjà été dépassée par les propres actions du secteur et qui, en outre, comporte certains coûts qu’il convient de prendre en compte. Et tous les citoyens risquent de ne pas être prêts à les accepter si on leur en explique vraiment le sens.

 

Aircraft at the taxiway

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