Au cours de conversations avec des pilotes, des instructeurs de vol et, à l’occasion, des étudiants en comportement humain, il apparaît souvent que les turbulences constituent l’une des craintes les plus récurrentes de certaines personnes à l’égard de l’aviation.
La définition de la turbulence est simple. Il s’agit d’une agitation de l’air produite par l’action de certaines forces dans son environnement. Ils peuvent être visualisés comme des tourbillons d’air chaotiques, erratiques et capricieux. Ses conséquences sur le vol d’un avion sont des changements d’attitude et d’altitude qui provoquent de petites secousses, souvent imperceptibles, jusqu’à des turbulences très intenses, obligeant tous les passagers à prendre place, à attacher leur ceinture et à suivre les recommandations de l’équipage.
L’un des phénomènes les plus remarquables de tout vol est l’apparition de turbulences, bien qu’elles présentent rarement un risque pour l’intégrité de l’avion ou des passagers.
Bien que ces phénomènes soient très spectaculaires, ils ne devraient pas présenter de danger pour la sécurité de l’avion. En cas de fortes turbulences, l’équipage choisira normalement de réduire la vitesse de l’avion, de changer d’altitude ou, si nécessaire, de demander un changement d’itinéraire.
Dans des conditions normales, l’air a tendance à s’écouler en nappes subhorizontales qui se chevauchent dans une couche quelconque de l’atmosphère. Son agitation se produit également à tous les niveaux, du sol jusqu’à une altitude bien supérieure à l’altitude de croisière habituellement respectée par les avions commerciaux.
Il existe de nombreux types de turbulences, mais les turbulences les plus courantes rencontrées par les avions en vol ont trois causes : les montagnes, les jet-streams et les tempêtes.
En montagne, l’air se comporte comme les vagues sur une plage. Il s’agit de nappes de fluides qui ont tendance à se déplacer les unes sur les autres mais qui s’adaptent à la physionomie du terrain et adoptent des comportements différents.
Une partie de cet air passe doucement au-dessus des montagnes et continue d’avancer. D’autres nappes d’air, en revanche, s’accumulent contre les montagnes elles-mêmes et n’ont d’autre choix que de s’élever, générant des « vagues » qui peuvent se propager dans l’atmosphère sous la forme de larges et douces oscillations, mais qui peuvent aussi se briser en de nombreux courants tumultueux, que nous connaissons sous le nom de turbulences.
Les jet-streams, quant à eux, sont d’énormes flux d’air qui se déplacent rapidement et qui circulent généralement près de la tropopause, dans la partie supérieure de la troposphère (entre 8 000 et 15 000 mètres). Ils se trouvent dans les zones polaires (60° aux latitudes nord et sud) et dans les zones subtropicales, et se forment lorsque de grandes masses d’air froid et d’air chaud se rencontrent. Les vents soufflent d’ouest en est à des vitesses allant de 130 à 225 kilomètres par heure, bien qu’ils puissent parfois atteindre 400 km/h.
L’air désordonné (turbulence) associé aux jet-streams est causé par les différences de vitesse du vent lorsqu’un avion s’éloigne des régions où la vitesse du vent est maximale. La décélération des vents crée des zones de cisaillement, propices aux turbulences.
Ces types de courants sont souvent à l’origine de ce que l’on appelle les « turbulences d’air clair », qui sont invisibles, imprévisibles et plus fréquentes durant les premières heures de la journée, entraînant de petites secousses dans l’avion.
Les tempêtes, quant à elles, sont le troisième facteur de turbulences sur les vols. Les formations nuageuses verticales (en particulier les cumulonimbus) et les changements de pression soudains sont des terrains propices à la formation de nuages. Il a également été récemment conclu que les tempêtes ne génèrent pas seulement des turbulences dans leur environnement immédiat, mais qu’elles peuvent également agiter le ciel dans des zones plus éloignées. Ce phénomène est dû à la création d’ondes provoquées par la croissance rapide des nuages ou par un très fort réchauffement convectif, qui peuvent provoquer des turbulences jusqu’à des centaines de kilomètres de distance.
Quelle que soit leur origine, la question la plus fréquente des passagers concernant les turbulences porte souvent sur le risque qu’elles représentent pour la sécurité des vols.
Partons du principe que les turbulences ne peuvent à elles seules provoquer l’écrasement d’un avion, à moins qu’elles ne s’accompagnent d’une défaillance humaine, d’un problème structurel antérieur de l’avion ou de la concomitance d’autres phénomènes atmosphériques.
L’avion est lui-même résistant aux turbulences, notamment grâce à la flexibilité des ailes, qui agissent avec le fuselage comme une boîte de torsion. Selon le modèle, l’extrémité de l’aile peut osciller de plus d’un mètre vers le haut ou vers le bas. L’aile est également l’un des composants qui a le plus évolué techniquement depuis les débuts de l’aviation, sa flexibilité étant l’un des aspects clés du processus d’amélioration. Outre la compensation du poids de l’avion et le maintien du vol, l’une de ses tâches les plus importantes est d’assurer la réactivité face à ces phénomènes imprévus.
La prévision est l’une des clés pour minimiser l’impact des turbulences sur les vols. Si les prévisions météorologiques et les rapports de pilotes sont utiles pour éviter les zones où ils se produisent, ce sont des outils relativement peu fiables au cas par cas. Dans le cas des prévisions, l’échelle des modèles météorologiques est beaucoup plus grande que celle du vol de l’avion, de sorte que les petites et moyennes turbulences peuvent passer inaperçues. Dans le cas des rapports de pilotes, le problème réside souvent dans la précision de la localisation, bien qu’ils détectent au moins l’existence du phénomène dans une certaine zone.
Des modèles de prévision en temps réel, basés sur la collecte constante de données provenant de capteurs installés sur les avions eux-mêmes, sont en cours de développement depuis une dizaine d’années. Sur la base des données relatives à la vitesse du sol, à la vitesse du vent, à la pression atmosphérique, à l’angle de roulis et à d’autres paramètres, l’algorithme génère un avertissement de turbulence qui est partagé toutes les quelques secondes. Ces informations renforcent considérablement les prévisions et les modèles météorologiques, fournissant des informations beaucoup plus précises aux pilotes et leur donnant la possibilité de prendre des mesures préventives.
Le domaine de la prévision des turbulences est important pour les compagnies aériennes, car il permet aux passagers de profiter d’un vol « plus calme », mais aussi en raison des coûts associés aux turbulences. On estime qu’il en résulte un coût de 600 millions d’euros par an dans le monde (frais de carburant supplémentaires, assurances, dommages causés aux passagers, retards, etc.). Les changements d’altitude ou d’itinéraire de vol entraînent également des coûts environnementaux supplémentaires en raison des dépenses de carburant additionnelles (et des émissions qui en découlent), ce qui n’est en aucun cas souhaitable.
Il est évident que personne (compagnies, pilotes, passagers…) ne souhaite rencontrer des turbulences pendant un vol, mais même si c’était le cas, nous devrions être rassurés car la technologie joue en notre faveur, tant en termes de prédiction que de réaction de l’avion. Dans ce cas, si vous regardez par le hublot et que vous voyez les ailes se replier, c’est qu’il y a des turbulences et qu’elles jouent leur rôle. Dans ce cas, continuez à profiter de votre vol… avec votre ceinture attachée.