Le rôle de l’aviation dans les émissions de gaz à effet de serre est évoqué à de multiples reprises lorsque l’on aborde la réalité inquiétante du changement climatique. Malgré d’énormes progrès dans l’efficacité du transport aérien (conception, moteurs, aérodynamique, etc.), le secteur est confronté à une augmentation des émissions en raison de l’augmentation de la demande de transport aérien. Ce contexte souligne l’urgence d’innovations plus radicales. L’une des opportunités présentées est l’utilisation de l’hydrogène en tant que solution potentiellement adaptée à l’aviation. Son utilisation comme vecteur énergétique représente une opportunité de réduire de manière significative les émissions de carbone dans ce secteur important de l’économie mondiale.
L’équilibre entre l’efficacité énergétique et la demande croissante de vols reste un défi important.
Les émissions de l’aviation ont montré une tendance à la hausse, bien que les augmentations soient relativement modestes. Selon des données récentes de l’IBA, les émissions de CO2 dans le secteur de l’aviation commerciale se sont élevées en moyenne à 144,2 grammes par siège/mille (environ 267,06 g par siège/kilomètre) en février 2022, soit une augmentation de l’intensité de carbone par siège de près de 0,3 %. Cette augmentation marginale est en partie due à une réduction des opérations d’avions de nouvelle génération et à une diminution de la longueur des étapes de vol.
D’autre part, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) souligne qu’en dépit d’améliorations évidentes de l’efficacité des carburants, celles-ci n’ont pas été suffisantes pour contrecarrer la croissance de la demande d’énergie au cours des dernières années. Entre 2010 et 2019, l’efficacité des carburants s’est améliorée en moyenne de 1,8 % par an, mais la demande a augmenté de plus de 5 % par an. Pour rester dans la ligne du scénario d’émissions nettes nulles, l’efficacité devra s’améliorer à un rythme de 2 % par an jusqu’en 2030.
Ces données mettent en évidence la complexité des défis à relever pour réduire les émissions dans le secteur de l’aviation, où l’équilibre entre l’efficacité énergétique et la demande croissante de vols reste un défi important. À ce stade, les avions à hydrogène apparaissent comme un élément à prendre en compte dans le casse-tête de l’aviation durable. L’hydrogène, avec sa densité énergétique élevée et ses émissions polluantes nulles, apparaît comme un élément clé pour relever les défis environnementaux actuels. En explorant ce terrain passionnant, nous entrons dans un monde où l’aviation ne se contente pas de mettre les gens en relation, mais respecte aussi de plus en plus notre planète.
L’hydrogène, avec sa densité énergétique élevée et ses émissions polluantes nulles, apparaît comme un élément clé pour relever les défis environnementaux actuels.
Principes de base de l’hydrogène en tant que carburant
L’hydrogène est considéré comme un vecteur énergétique en raison de sa capacité à stocker et à transporter l’énergie générée par d’autres sources. Contrairement aux combustibles fossiles, qui sont des sources d’énergie primaires, l’hydrogène doit d’abord être produit, généralement par électrolyse de l’eau (un processus qui consomme de l’énergie). En termes de densité énergétique, l’hydrogène présente un avantage significatif : par unité de masse, il offre près de trois fois l’énergie du jet conventionnel. Cependant, sa faible masse volumique apparente pose des problèmes en termes de stockage et de distribution. En termes d’émissions, la combustion de l’hydrogène ne produit que de la vapeur d’eau, ce qui en fait une option intéressante pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l’aviation, bien que sa production actuelle repose principalement sur des sources non renouvelables. La transition vers l’hydrogène en tant que carburant pour l’aviation dépend donc essentiellement de la durabilité et de l’efficacité de sa chaîne d’approvisionnement.
Défis de conception et contraintes actives : L’utilisation de l’hydrogène comme carburant implique des défis de conception et des contraintes actives différentes de celles des avions conventionnels fonctionnant au kérosène. Ces différences sont principalement dues à l’énergie spécifique (énergie par unité de masse) plus élevée de l’hydrogène et aux problèmes de stockage qui lui sont propres.
Densité énergétique et poids de l’hydrogène : Bien que la densité énergétique de l’hydrogène soit environ quatre fois inférieure à celle du kérosène, son énergie par unité de masse est presque trois fois plus élevée. Cela signifie que, pour la même quantité d’énergie nécessaire pour voler, le poids de l’hydrogène nécessaire n’est qu’un tiers du poids du kérosène nécessaire.
Consommation d’énergie sur les vols long-courriers : Il est envisagé que l’hydrogène et une masse au décollage plus faible permettent de réduire la consommation d’énergie pour les vols long-courriers par rapport au kérosène. Cependant, pour les petits avions et les vols à courte distance, cela peut ne pas être vrai en raison de la complexité et des performances du stockage de l’hydrogène.
Coûts de maintenance et de fonctionnement : En raison de leur complexité supplémentaire, les réservoirs d’hydrogène et les fuselages devraient avoir des coûts de maintenance et d’acquisition plus élevés. L’intégration du réservoir dans le fuselage pose de nouveaux défis en matière de conception, ce qui peut entraîner une diminution des coûts d’exploitation directs pour les avions à long rayon d’action, en supposant que l’hydrogène soit au même niveau que le kérosène en termes de coût par unité d’énergie.
Masse volumique apparente et stockage de l’hydrogène : L’hydrogène a une masse volumique apparente énergétique extrêmement faible à la température et à la pression ambiantes. Pour réduire le volume requis, l’hydrogène peut être comprimé sous forme de gaz ou refroidi sous forme de liquide. Par exemple, le volume nécessaire pour stocker l’énergie qu’un Boeing 777-200ER transporte en kérosène équivaudrait à environ 500 fuselages s’il était stocké sous forme d’hydrogène à la température et à la pression ambiantes.
Stockage de l’hydrogène comprimé : La compression de l’hydrogène à haute pression est un moyen d’augmenter sa densité pour le stockage à bord. Les réservoirs d’hydrogène comprimé fonctionnent à température ambiante et nécessitent une gestion moins active que l’hydrogène liquide (LH2). Cependant, ces réservoirs nécessitent des conceptions résistantes à la pression et ont une faible efficacité gravimétrique.
Stockage de l’hydrogène cryogénique (LH2) : Le stockage cryogénique de l’hydrogène présente des avantages par rapport au stockage du gaz comprimé, notamment une densité plus élevée et la possibilité de stocker l’hydrogène à des pressions proches de la pression ambiante. Toutefois, cela nécessite une isolation importante et une conception minutieuse du système de carburant, en particulier pour les aéronefs de transport commercial plus grands et sensibles au poids.
Distribution et infrastructure
Le rapport de l’Institut de technologie aérospatiale FlyZero souligne l’importance cruciale de développer une infrastructure adéquate pour la production et la gestion de l’hydrogène dans les aéroports, en tant qu’étape essentielle de la transition vers une aviation alimentée à l’hydrogène.
Un élément essentiel de cette infrastructure est la logistique de livraison d’hydrogène liquide (LH2) aux aéroports. Ce défi logistique pourrait être relevé en transportant le LH2 vers les aéroports à l’aide de camions spécialisés ou par des hydrogénoducs dédiés. Une fois à l’aéroport, le LH2 nécessiterait des systèmes de stockage sûrs et efficaces, suivis d’un processus de transfert vers l’avion correctement protocolé et sécurisé.
En termes de sécurité, la manipulation du LH2 présente des particularités. Un aspect positif est qu’en cas de déversement, le LH2 se vaporise rapidement et l’hydrogène gazeux qui en résulte, en raison de sa faible densité, s’élève et se disperse dans l’atmosphère, ce qui minimise considérablement le risque d’incendie. Bien que les feux d’hydrogène atteignent des températures plus élevées que les feux de kérosène, l’hydrogène ne forme pas de flaques, ce qui élimine le risque d’incendies prolongés au sol, un danger présent avec le kérosène. Par conséquent, le rayonnement thermique généré par un feu de kérosène peut être plus dangereux à long terme que celui d’un feu d’hydrogène, malgré la température plus basse du premier.
Une alternative pour l’approvisionnement en hydrogène des aéroports consiste à recevoir de l’hydrogène gazeux (GH2) qui serait ensuite liquéfié sur place. Cette configuration permet une plus grande flexibilité dans la gestion du carburant, car le GH2 peut être stocké à des températures et des pressions plus faciles à gérer avant d’être converti en hydrogène liquide (LH2) pour être utilisé dans les aéronefs.
Les réservoirs d’hydrogène comprimé fonctionnent à température ambiante, ce qui réduit la nécessité d’une gestion active par rapport à l’hydrogène liquide (LH2). Ces réservoirs peuvent rester en place pendant de longues périodes sans qu’il soit nécessaire de les purger ou de les remplir, ce qui simplifie la gestion du carburant dans les avions. Cependant, l’hydrogène comprimé nécessite des réservoirs lourds et résistants à la pression pour garantir la sécurité. Ces réservoirs ont une faible efficacité gravimétrique, comprise entre 1 % et 10 %, bien qu’ils puissent atteindre 10 % à 20 % grâce à des techniques de conception et de fabrication avancées.
Matériaux des réservoirs et pression : Les réservoirs de stockage doivent être fabriqués dans des matériaux capables de résister à des pressions élevées. À titre de comparaison, la pression dans les réservoirs d’hydrogène comprimé peut atteindre 700 bars (environ 700 fois la pression atmosphérique au niveau de la mer). Cette pression est nécessaire pour maintenir l’hydrogène dans un état densifié afin d’en faciliter le stockage et la manipulation.
Pertes par perméation : Le stockage de l’hydrogène pose le problème de la perméation et de la fragilisation des matériaux. La perméation se produit parce que les molécules d’hydrogène sont très petites et que certaines d’entre elles peuvent traverser les parois du réservoir. Des taux de perméation raisonnables pour les réservoirs de LH2 sur les lanceurs permettent des pertes d’environ 0,25 % du volume du réservoir pendant l’ascension et l’insertion en orbite.
La production d’hydrogène directement dans les aéroports combine le développement d’une infrastructure de production d’hydrogène dans l’aéroport en soi, avec la mise en œuvre éventuelle d’électrolyseurs qui convertissent l’eau en hydrogène et en oxygène en utilisant de l’électricité, de préférence à partir de sources renouvelables pour optimiser la durabilité. Cette configuration implique non seulement la création d’installations de production d’hydrogène, mais aussi les systèmes nécessaires au stockage de l’hydrogène et à sa distribution aux aéronefs. Cette option de production sur site présente des avantages significatifs, tels que la réduction des coûts et des émissions liés au transport de l’hydrogène vers les aéroports, et offre une plus grande flexibilité et un meilleur contrôle de l’approvisionnement en carburant, ce qui est essentiel dans le contexte aéroportuaire où la fiabilité et l’efficacité sont primordiales. Toutefois, la mise en place d’une telle infrastructure représenterait un investissement important.
Réduction de l’empreinte carbone : Lorsque l’électricité utilisée pour la production d’hydrogène provient de sources renouvelables, le processus de production locale d’hydrogène prend une dimension plus durable, contribuant de manière significative à la réduction de l’empreinte carbone. Cette durabilité est encore renforcée par l’utilisation de l’énergie renouvelable excédentaire, qui reste autrement inexploitée, pour la stocker sous forme d’hydrogène. Cette approche permet non seulement d’accroître l’efficacité du processus de conversion énergétique, mais aussi de maximiser l’utilisation des ressources renouvelables disponibles, transformant ainsi le surplus en un atout précieux pour la durabilité énergétique.
Efficacité en vol et performances comparées
Méthodes de propulsion : Deux méthodes principales sont utilisées pour convertir l’hydrogène en force motrice : la combustion dans des turbines à gaz et les piles à combustible à hydrogène. Les turbines à gaz, déjà utilisées dans les aéronefs commerciaux, peuvent être adaptées pour brûler de l’hydrogène en modifiant le système de combustion et l’alimentation en carburant.
Préférence selon le type d’aéronef : Les piles à combustible tendent à être l’option dominante pour les petits aéronefs et les aéronefs à court rayon d’action, tandis que la combustion d’hydrogène est plus réalisable pour les grands aéronefs et les aéronefs à long rayon d’action.
Efficacité des turbines à gaz : Les turbines à gaz à hydrogène ont une puissance spécifique plus élevée que les autres méthodes de propulsion, ce qui les rend adaptées aux aéronefs plus grands et plus puissants. Par exemple, le système de propulsion à pile à combustible d’un aéronef de la taille d’un Boeing 737-800 est environ trois fois plus lourd que le système équivalent à turbine à gaz.
Développement et essais de moteurs à combustion d’hydrogène : Des entreprises telles que CFM, Rolls Royce et Pratt & Whitney modifient les turbosoufflantes existantes pour les faire fonctionner à l’hydrogène, et il est prévu de tester ces moteurs dans des démonstrateurs d’aéronefs dans les années à venir.
Avantages de la combustion d’hydrogène dans des turbines à gaz : La combustion de l’hydrogène dans des turbines à gaz peut réduire la température du gaz chaud entrant dans la turbine, ce qui prolonge sa durée de vie et réduit la fréquence des opérations de maintenance. En outre, l’hydrogène stocké sous forme liquide à bord de l’aéronef constitue un important dissipateur thermique, ce qui permet aux concepteurs de moteurs d’explorer des moyens créatifs d’accroître les performances.
Consommation spécifique de carburant par unité de poussée (TSFC) : La TSFC, une mesure cruciale dans la conception des aéronefs, indique le débit massique de carburant nécessaire par unité de poussée produite par le moteur. L’hydrogène fournit presque trois fois plus d’énergie que le même débit massique de kérosène, ce qui rend inappropriées les comparaisons directes de TSFC entre des carburants ayant des densités énergétiques différentes.
Fonctionnement et conception des piles à combustible : Les piles à hydrogène, en particulier les piles à combustible à membrane échangeuse de protons (PEMFC) et les piles à combustible à oxyde solide (SOFC), présentent des caractéristiques et des défis uniques en ce qui concerne leur fonctionnement et leur conception. Citons notamment la gestion de l’eau, des pertes ohmiques et des limitations de la vitesse à laquelle les réactifs peuvent atteindre les sites de réaction.
Gestion thermique et conception des piles à combustible : La gestion thermique est un défi majeur, en particulier pour les PEMFC à basse température, qui doivent dissiper une quantité importante de chaleur. Les plaques bipolaires, qui constituent l’essentiel du volume et du poids de la pile, sont optimisées pour acheminer les réactifs vers les électrodes, gérer le refroidissement et limiter le poids.
Pression de fonctionnement et performances des PEMFC : L’augmentation de la pression de fonctionnement des PEMFC peut améliorer leurs performances, mais avec des rendements décroissants.
En conclusion de notre analyse de l’intégration de l’hydrogène dans l’aviation, nous soulignons le rôle important qu’il peut jouer dans la transition vers une aviation plus durable. Cette approche représente une avancée significative et a un impact direct sur la crise climatique. Bien que prometteuse, la voie vers une mise en œuvre efficace de l’hydrogène dans l’aviation est complexe et semée d’embûches techniques et opérationnelles qui requièrent une attention particulière et des solutions innovantes. La poursuite de la recherche et du développement dans ce domaine est essentielle pour parvenir à un équilibre entre les avantages du transport aérien et la préservation de l’environnement.
Pour en savoir plus sur ce sujet, lisez également notre article « L’hydrogène dans l’avenir du transport aérien » (cliquez ici).