Certains d’entre nous se sont sûrement déjà demandé comment les pilotes pouvaient maintenir les niveaux d’alerte dans la cabine après trois, six ou encore davantage d’heures de vol.
Contrairement aux machines, les humains sont dépourvus d’une capacité illimitée pour maintenir les niveaux de concentration et d’alerte après une durée d’exécution répétitive d’activités telles que le contrôle de la vitesse, de l’altitude et du cap, voire l’établissement de communications avec les contrôleurs aériens (ATC). À un moment donné, nous ne sommes plus efficaces pour des raisons fonctionnelles et notre niveau d’attention diminue.
Sur les vols long-courriers, une série de normes et de recommandations est mise en œuvre pour que l’équipage puisse se reposer, l’aéronef se trouvant à tout moment sous contrôle.
Les exploitants d’aéronefs ont donc mis au point un mécanisme pour déléguer l’activité du vol à un seul pilote, le second pilote pouvant alors se détendre de façon contrôlée en appliquant les procédures de repos contrôlé en cabine ou Flight Crew In-Seat Rest. Au cours de ce processus, cela signifie que les pilotes peuvent profiter de courtes périodes de sommeil (siestes) ou disposer d’une pause pour lire ou déconnecter de l’activité de pilotage pendant qu’ils sont relevés de leurs fonctions opérationnelles.
Les procédures de « repos contrôlé » sont appliquées lorsque l’équipage de service est constitué de deux membres dans un avion en vol. Toutefois, l’application de ces procédures présente certaines restrictions puisqu’elle dépend, parmi de nombreux autres facteurs, du type d’exploitation (vol commercial, vol d’affaires, vol militaire, etc.), de la nature du vol (court ou long-courrier), de l’aéronef, des conditions du vol, de l’approbation de la procédure par l’exploitant et, bien entendu, du feu vert du pilote qui restera aux commandes !
Sur les vols long-courriers, les rotations des périodes de repos des équipages renforcés (3 ou 4 pilotes) sont parfaitement définies. Cependant, il est aujourd’hui extrêmement courant de confier des vols dont la durée est comprise entre 3 et 7 h à 2 pilotes. Il s’agit donc là d’une mesure supplémentaire pour atténuer les effets de la diminution de l’état d’alerte dans le poste de pilotage.
Le repos contrôlé en vol permet à l’équipage de se détendre et de déconnecter du pilotage de façon contrôlée grâce à des procédures définies par les exploitants, ou compagnies aériennes. Ces procédures ne sont pas établies dans toutes les compagnies, et il ne s’agit d’ailleurs pas d’une obligation, mais les autorités de l’aviation recommandent leur mise en place pour les bienfaits qu’elles apportent aussi bien aux membres d’équipage technique qu’à l’exploitation même du vol, en raison du fait que les pilotes sont « plus frais » lors des phases les plus critiques que peuvent être l’approche et l’atterrissage.
Comment le repos contrôlé est-il activé dans le cockpit ?
Lorsque le repos sur le siège du poste de pilotage est approuvé en tant que « repos contrôlé », les manuels d’exploitation des compagnies aériennes doivent contenir des procédures d’application spécifiques.
Si aucune information n’est disponible à ce sujet et que ces pauses ne sont pas explicitement interdites, il est possible de tenir compte des considérations pratiques suivantes lors de la planification et de la prise de ces temps de repos pour contribuer à la maximisation des bienfaits et à la minimisation des risques.
Ces considérations reposent sur les procédures établies par l’OACI/IFALP/IATA qui sont publiées dans l’appendice B du Doc 9966 de l’OACI « Systèmes de gestion du risque de fatigue à l’usage des réglementeurs ».
Quels sont les aspects à prendre en compte par un pilote pour envisager une sieste dans le cockpit ?
- Le repos doit être planifié et uniquement pris pendant le vol de croisière, et un PA (pilote automatique) ainsi qu’un AT (automanette) doivent être disponibles et engagés.
- Le commandant de bord doit s’assurer que les membres d’équipage qui restent en poste sont parfaitement tenus informés de la situation et que, si plusieurs pilotes restent réveillés pendant qu’il est assoupi, l’un d’entre eux est désigné comme pilote responsable.
- Le membre principal du personnel de cabine doit être tenu informé de la situation et il doit lui être communiqué de veiller à contacter la cabine de pilotage par téléphone à un ou plusieurs moments prédéfinis pour s’assurer que le pilote en poste est bien éveillé et pour demander à ce pilote de réveiller l’autre pilote dès que la durée de repos convenue s’est écoulée.
- Le pilote assoupi doit éloigner son siège de manière à éviter toute action involontaire sur les commandes. Aucune activité de gestion de l’avion exigeant une vérification croisée par un autre pilote ne doit être exécutée, sauf si un deuxième pilote est disponible, ce qui signifie que la décision quant à l’autorisation du repos doit avoir été précédée d’une évaluation réaliste de la possibilité d’avoir à réaliser ce type de recoupement.
- Si l’équipage est composé de deux pilotes, le pilote éveillé ne peut quitter son siège sous aucun prétexte pendant toute la durée de repos contrôlé. Si le pilote au repos s’est vraiment endormi, une période de récupération proportionnelle au temps de sommeil doit lui être concédée avant qu’il ne reprenne quelconque activité, y compris la réception d’un rapport de mise à jour, afin de laisser les effets de l’inertie du sommeil s’estomper.
De nombreuses compagnies aériennes mettent à la disposition du personnel navigant des accessoires utiles au repos tels que des bouchons auditifs, des masques de sommeil ou des supports de nuque/tête.
Tous les détails relatifs aux conseils donnés par les réglementeurs ou par les exploitants concernant le repos sur le propre siège varient, mais la période maximale de sommeil généralement recommandée est comprise entre 30 et 40 minutes.
Par ailleurs, de nombreux exploitants suggèrent que, lorsqu’une période de repos sur le siège est envisagée, la durée totale d’« absence d’activité » (qui doit comprendre la sieste sur le siège) doit être jusqu’à deux fois supérieure au temps de sommeil réel.
Cette indication permet donc une période initiale de 5 à 10 minutes pour préparer l’assoupissement et une période d’au moins 20-25 minutes pour récupérer. Il faut tenir compte du fait que les effets de l’inertie du sommeil varient pour chaque individu, et nombre de personnes récupèrent toutes leurs capacités en moins de temps.
Pour finir, les périodes de repos contrôlé doivent se terminer au moins 30 minutes avant l’entame de la procédure de descente en direction de l’aéroport de destination.
Parmi la réglementation de référence, il convient de citer le Doc 9966 (appendice B) de l’OACI, ainsi que le matériel d’orientation de l’EASA GM1 CAT.OP.MPA.210-Mitigating Measures controlled rest. En outre, l’appendice C du « Guide de mise en œuvre des systèmes de gestion des risques de fatigue (FRMS) à l’intention des exploitants » de l’IFALPA/ICAO/IATA réaffirme les principaux points que les membres d’équipage doivent prendre en compte.
En conclusion, il est possible d’avancer que, lorsque nous effectuons un vol long-courrier, nous pouvons rester l’esprit tranquille en sachant que l’équipage sera reposé et que l’aéronef se trouvera à tout moment sous contrôle. Bon voyage.