Certains aérodromes pourraient être qualifiés de « non conventionnels ». Ils s’avèrent particulièrement intéressants dans la mesure où, d’une certaine manière, ils sortent de l’ordinaire et, si l’on cherche à apprendre, étudier ou connaître « quelque chose de nouveau », ils offrent un certain attrait dans leur conception ou leur planification. Ils possèdent leurs propres caractéristiques, des particularités qui les différencient des aéroports destinés à une aviation conventionnelle (ou commerciale). On y retrouve les aéroports destinés aux « longs séjours », les « hydro-aéroports » et les aéroports « ADAC ». Ces deux derniers, par exemple, accueillent des aéronefs aux critères de conception différents, comme les hydravions et les avions de type ADAC (avions à décollage et atterrissage courts).
Dans le monde, il existe plusieurs aéroports destinés au stationnement des aéronefs pour de longues durées, et leur modèle économique est très différent de celui des aéroports conventionnels
Nous aborderons dans cet article des aéroports qui offrent leurs services au secteur du « stationnement, ou parking, de longue durée ».
Actuellement, la flotte mondiale d’avions commerciaux connaît une importante croissance. Les principaux fabricants d’avions (Boeing et Airbus) prévoient d’ailleurs une augmentation de 100 % de la flotte mondiale des aéronefs au cours des vingt prochaines années. Airbus estime que la flotte actuelle d’avions commerciaux augmentera de 39 000 unités au cours des vingt prochaines années. Les perspectives à long terme sont donc tout simplement optimales.
En toute logique, au fur et à mesure que la flotte d’avions augmente, le besoin d’en stocker quelques-uns augmente également. Aujourd’hui, quelques 2 000 avions sont inactifs et en stationnement « longue durée ». Il existe donc une demande pour ce segment de marché.
D’autre part, malgré les bonnes perspectives et en fonction des événements, il s’avère plus rentable de retirer certains aéronefs pour un certain temps que de les maintenir en état opérationnel : crises économiques, 11 septembre, incertitude liée au Brexit…
En fonction des circonstances, la période de retrait du service peut varier d’un ou deux jours à plusieurs années. À noter que plus les aéronefs restent « en cale sèche », plus il leur est difficile de reprendre un service actif. Lorsqu’un aéronef est entreposé, il faut tout mettre en œuvre pour minimiser les effets néfastes d’une immobilisation et assurer un retour à un état opérationnel adéquat.
Du point de vue du modèle économique de ce type d’aéroport, l’un des aspects les plus frappants est que ce secteur se développe dans le monde entier et se révèle entièrement mondialisé. Cela revient à dire qu’un aéroport réservé à ce type d’activité peut concurrencer tous les autres, indépendamment du lieu où il se trouve. Un tel aéroport situé en Australie ou aux États-Unis concurrence directement ceux d’Europe ou d’Asie, sans que la distance ne soit importante. Il est possible que, suite à une négociation, l’aéroport qui reçoit l’avion accepte de réduire les coûts de transfert. En fin de compte, si le tarif est avantageux, la compagnie aérienne décidera de stationner ses avions à l’endroit qui lui conviendra, en n’importe quel endroit du globe. Si nécessaire, peu importe que l’avion rejoigne sa destination en plusieurs étapes.
La période de négociation jusqu’à l’obtention d’une commande est parfois compliquée et se fait au cas par cas, car la relation avec le client est très personnalisée. Dans le secteur, la concurrence est considérable. Il arrive que des avions parviennent à l’aéroport deux ans après le début des négociations.
Dans ce segment d’activité, il est particulièrement avantageux que les activités de maintenance (MRO d’avions, hélicoptères, gros-porteurs, aéronefs à fuselage large, etc.) soient réalisées simultanément dans l’aéroport. Il existe une synergie évidente avec les activités de maintenance, qu’une entreprise doit toujours accomplir avec une certaine qualité et même un certain prestige. La mise en service d’un avion qui est resté immobilisé de manière prolongée exige des services de maintenance réservés à des entreprises spécialisées. Les compagnies aériennes ne prennent pas de risques et se méfient des entreprises qui ne font pas preuve d’une grande connaissance du secteur et qui, selon elles, n’offrent pas de garanties.
Une autre activité intéressante qui peut être réalisée dans ce type d’aéroports est celle du recyclage des avions (aussi appelé « démantèlement », « vente de pièces de rechange » ou « occasion »). On peut également citer : l’aviation d’affaires et l’aviation générale, les UAV-RPA, mais aussi la recherche et le développement et l’aérospatiale (vols suborbitaux, piste d’atterrissage d’urgence de la navette spatiale, etc.) ; ce type d’aéroport accueille parfois aussi l’aviation commerciale (par exemple l’aéroport de Lourdes-Tarbes en France).
Les revenus proviennent le plus souvent de différentes sources : taxes d’atterrissage, location de terrains, location de hangars, vente de terrains industriels, etc. Certains gouvernements (nationaux ou autonomes) offrent des aides et des incitations à l’implantation d’entreprises dans ce type d’aéroport.
En ce qui concerne la conception et la planification, quelques généralités sont bonnes à connaître :
il est conseillé, dans la mesure du possible, de choisir des endroits au climat sec et ensoleillé, de faible pluviométrie, voire désertiques, idéaux pour la préservation des avions, et toujours éloignés de la mer (source de corrosion). Il faut également éviter les obstacles et choisir un relief plat aux alentours. Il est préférable de disposer d’un espace aérien totalement ouvert, sans restriction pour le développement des activités aéronautiques. Une connexion ferroviaire constitue un autre avantage concurrentiel.
Quant au cadre réglementaire, sa conception est en principe soumise aux spécifications de l’OACI (ou de l’AESA pour l’Union européenne), partout où les aéronefs se déplacent par leurs propres moyens. Il existe cependant des cas particuliers : ce sont par exemple les aires de trafic pour les longs courriers, légèrement différentes des aires d’exploitation commerciale. Les aires de trafic ne supposent pas forcément de paver des surfaces importantes. Une seule bande est parfois nécessaire, sur laquelle les avions circulent, tirés par des tracteurs ; les dimensions sont conformes aux exigences de l’OACI (23 m de largeur). En principe, les marges sont optionnelles, à condition que les aéronefs circulent moteurs éteints. Il est toutefois recommandé de faire passer les nacelles au-dessus des zones pavées. Les chaussées des voies d’accès sont généralement flexibles et les zones de stationnement sont rigides.
Le nombre d’opérations ou de passages annuels pour lesquels la section de chaussée à construire est calculée reste assez faible. L’équipement des services d’assistance au sol est probablement plus critique pour la surface de la route que les aéronefs eux-mêmes. Ils sont parfois même directement déposés sur le terrain nu si leur capacité de charge le permet.
Il est curieux de constater qu’il n’est pas strictement nécessaire, pour leur stationnement, que les aéronefs respectent les marges d’espacement de l’OACI entre le bout des ailes. En réalité, le critère s’apparente davantage à « un jeu de Tetris prudent ». Cela est dû au fait que les aéronefs ne circulent pas par leurs propres moyens, mais sont tirés par un tracteur.
Un autre aspect important de ce type d’aéroport réside dans les dimensions des pistes dont ils doivent être équipés. Pour calculer la longueur nécessaire, la charge utile n’est pas forcément un critère à prendre en compte. Il convient plutôt de prendre en compte la masse à vide (OEW) en plus du carburant et de la réserve (FW+RF) nécessaires pour que l’avion puisse couvrir l’étape de vol vers la destination choisie. Celles-ci ne sont pas forcément courtes, comme dans l’exemple de l’aéroport international d’Upington (IATA : UTN, ICAO : FAUP, Afrique du Sud), dans le désert du Kalahari, dont la piste mesure 4 900 m.
En ce qui concerne l’AGL, les aides à la navigation, les servitudes aéronautiques ou les procédures de vol, il n’existe aucune différence vis-à-vis des règlements de l’OACI. Certains aéroports, comme celui d’Alice Springs (IATA : ASP, ICAO : YBAS, Australie) sont dotés d’un système d’atterrissage aux instruments et d’autres, comme Teruel, utilisent des approches visuelles.
Pour conclure, vous trouverez en annexe un tableau résumant les caractéristiques les plus significatives de certains des aéroports les plus importants du monde dédiés à ce segment de marché :