Par définition, le vent est un courant d’air produit par des causes naturelles telles que des changements de pression ou de température. Toutefois, une autre méthode de production de vent est découverte dans les années 1920 et développée dans les années 1960. Ce courant est appelé vent ionique. Également connu sous le nom de poussée électro-aérodynamique, ce phénomène est décrit comme un vent ou une poussée qui peut se former lorsqu’un courant électrique passe entre une électrode mince et une électrode épaisse. En appliquant une tension suffisamment élevée, les électrodes peuvent produire l’énergie nécessaire pour propulser un petit avion. L’utilisation de cette poussée restait cependant limitée à des expériences dont les perspectives de découverte d’applications pratiques envisageables étaient limitées.
Dans la recherche de nouveaux systèmes de propulsion pour les aéronefs, le vent ionique est de nouveau dans l’air du temps en tant qu’alternative à étudier, encore loin d’être d’actualité, mais prometteuse.
Au fil des années, de nombreux chercheurs ont défendu l’hypothèse selon laquelle l’utilisation des propulseurs ioniques dans le cas précis de la propulsion à réaction (moyen utilisé pour déplacer un véhicule vers l’avant par l’expulsion d’un courant de gaz produits à une pression élevée par le réacteur dans le sens inverse de la marche) se révélera toujours d’une inefficacité considérable, et ce quel que soit le nombre d’améliorations pouvant être apportées à la conception, car des quantités énormes d’électricité s’avèrent indispensables pour produire la poussée nécessaire à la propulsion d’un véhicule.
Récemment, des ingénieurs du MIT (Institut de technologie du Massachusetts) ont construit et réussi à faire voler le premier avion reposant sur ce concept, sans moteur à turbines ni hélices, et qui, en outre, ne dépend pas de combustibles fossiles. Ils sont parvenus à un vol soutenu et régulier, prouvant ainsi que le recours à cette technologie est possible. En lieu et place d’un moteur classique, cet aéronef est propulsé par ionisation de l’air et production d’une poussée suffisante pour pouvoir maintenir un vol régulier.
L’avion possède une envergure de 5 mètres et pèse 2,45 kg, ce qui, à titre de comparaison intéressante, représente environ un dixième du poids autorisé pour les bagages d’un passager embarquant à bord d’un vol commercial habituel. De fines électrodes s’étendent à l’intérieur des ailes. Des fils minces sont placés à l’avant, tandis qu’une surface aérodynamique courbée finit la partie arrière pour produire le soulèvement. Grâce à une batterie au lithium-polymère de 500 watts, les câbles minces de la partie avant sont chargés positivement à 20 000 volts et le profilé aérodynamique arrière est chargé négativement à la même tension, ce qui a pour effet de créer un champ électrique très élevé. À l’avant, les électrons sont retirés des molécules d’azote présentes dans l’air pour produire des ions et, à mesure que ces derniers accélèrent vers l’arrière, ils produisent un vent ionique qui confère la poussée à l’avion.
Au cours des 10 vols d’essai, l’avion a volé avec succès sur plus ou moins 60 mètres pendant une douzaine de secondes, avec une efficacité de poussée d’environ 2,6 %, cette valeur augmentant toutefois à mesure que la vitesse s’élève. Théoriquement, à 1 080 km/h, soit une vitesse plus élevée que celle d’un avion de ligne, l’efficacité du système atteindrait 50 %. La technique est similaire à celle utilisée par les réacteurs à ions sur certains engins spatiaux envoyés dans l’espace, même si dans ce cas précis ces derniers dépendent de l’ionisation d’un carburant comme le gaz xénon pour produire la poussée.
L’élément clé de ce vol ionique réside dans l’utilisation de batteries extrêmement légères, capables de produire une décharge à haute capacité sur une longue durée. Le problème de l’électro-aérodynamique se trouve dans la recherche d’une méthode de production d’énormes différences de potentiel à très faible coût, avec un poids extrêmement réduit et une durabilité élevée. Les progrès considérables attendus dans les années à venir sur les batteries vont jouer un rôle crucial, la source de puissance électrique ayant été la contrainte la plus importante lors de la conception du prototype.
Par ailleurs, les perspectives de construction d’un aéronef équipé d’ailes de 15 ou 20 mètres de long sont bonnes, mais fabriquer des ailes de 30 ou 40 mètres comme celles des grands avions de ligne passe par une durée de développement et de conception pouvant nécessiter plus de 10 ans. Le caractère évolutif de ce nouveau réacteur à propulsion ionique est une autre question à soulever. L’expérience qui se rapproche le plus en termes de conception est celle des avions solaires qui utilisent l’énergie solaire photovoltaïque pour alimenter des moteurs électriques, qui sont également très silencieux comparés aux moteurs à combustion classiques.
Il serait peut-être plus judicieux de se tourner vers une technologie de propulsion hybride qui nous permette de disposer d’aéronefs plus efficaces, moins bruyants, mécaniquement plus simples et moins polluants, selon un communiqué du MIT, de même que de défendre l’idée de ses ingénieurs consistant, à court terme, à utiliser ce système de propulsion ionique pour fabriquer des drones plus silencieux.
Un enjeu que tous les aéronefs propulsés par vent ionique vont devoir surmonter réside dans le fait que, en raison de la nature du système, les éléments du réacteur ne pourront pas être concentrés dans une seule zone, mais qu’ils devront occuper des points éparpillés sur l’intégralité de l’engin. Les propulseurs ioniques dépendent en effet du vent produit entre les électrodes ; plus la distance entre ces dernières est importante, plus la poussée produite sera élevée. Pour un aéronef, cette distance n’est autre que l’écart disponible entre deux extrémités de l’engin.
De nombreux autres défis doivent encore être relevés pour pouvoir utiliser cette technologie. L’un d’entre eux, important mais néanmoins surmontable, est la quantité énorme de tension nécessaire pour faire décoller l’aéronef.
Il est possible que tous ces travaux de recherche et ces essais ne mènent nulle part, mais il ne fait aucun doute que ces innovations marquent la tendance dans la quête de solutions plus respectueuses de l’environnement.
Dans l’un ou l’autre de ces cas et une fois un niveau d’efficacité approprié atteint, il pourrait s’agir de la naissance d’une nouvelle façon de voler.