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La course à la Lune

Image de Sergio Vigorra

Sergio Vigorra

AERTEC / RPAS Development Engineer

 

L’été dernier, un des plus célèbres sportifs espagnols remettait en question sur Twitter la véracité des missions Apollo et des premiers pas de l’Homme sur la Lune. Heureusement, les réseaux s’enflammèrent et le débat prit rapidement une autre tournure : il ne s’agissait plus de savoir si l’Homme s’était rendu sur la Lune, mais de comprendre comment il était encore possible qu’en 2018 une partie de la société remette en question cet événement historique.

Le module de la mission Apollo 11 alunit sur la Mer de la Tranquillité le 20 juillet 1969, et les 50 ans de cet événement seront célébrés cette année. Il s’agit du premier voyage de l’être humain sur un autre « monde », et, aux yeux de l’auteur, de la plus grande aventure de l’histoire de l’humanité.

La conquête spatiale a beaucoup changé depuis les années soixante-dix. Le contexte sociopolitique, la technologie, les budgets ou les capacités de l’administration sont aujourd’hui complètement différents, même si le défi reste quasiment le même.

Il n’y eut que 7 ans entre le moment où le président Kennedy prononça les mots « Nous avons choisi d’aller sur la Lune […] au cours de cette décennie […] non pas parce que c’est facile, mais justement parce que c’est difficile. » et les premiers pas de Neil Armstrong sur la Mer de la Tranquillité. Si aujourd’hui l’humanité est très loin de disposer de la technologie nécessaire pour atteindre la Lune, en 1962 la situation n’était pas meilleure. Un an seulement s’était écoulé depuis le premier vol orbital habité, qui avait décollé de l’autre côté du rideau de fer. La première expérience américaine de vol spatial habité remontait à sept mois, lors de la mission Mercury-Atlas 6 et le vol de John Glenn.

Étant donné le manque d’expérience flagrant dans une technologie révolutionnaire, comment fut-il possible de réaliser un bond technoscientifique aussi ambitieux en aussi peu de temps ? Sans doute grâce à une succession de projets, d’actions, de défis et d’événements méticuleusement planifiés avec un objectif clair. Chaque mission avait sa raison d’être et s’inscrivait dans un projet commun. Examinons certains faits marquants de cette période :

Crise du Spoutnik et création de la NASA

Le 4 octobre 1957, l’URSS lança le premier satellite artificiel de l’histoire, le Spoutnik 1, depuis le cosmodrome de Baïkonour (la plus grande base de lancement du monde encore en activité), comme contribution à l’Année Géophysique internationale proposée par le Conseil international des unions scientifiques.

Il s’agissait d’un appareil très simple (une sphère d’aluminium remplie d’azote et deux émetteurs radio), mais il démontrait la capacité de l’Union Soviétique à mettre des armes en orbite, ainsi que sa supériorité sur les États-Unis en termes de technologie spatiale.

Les États-Unis n’apprécièrent peu l’idée qu’une sphère soviétique de 80 kilos survole son territoire pendant des mois. Cet évènement provoqua la crise du Spoutnik, qui entraîna la création de la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency) pour le développement de la technologie spatiale militaire, et la NASA (National Aeronautics and Space Administration) pour la technologie spatiale civile.

Programme Mercury

Le premier programme spatial habité américain portait le nom de Mercury. Le vaisseau Mercury était une capsule monoplace lancée par une fusée Redstone pour les premiers vols suborbitaux, puis par une fusée Atlas pour les vols orbitaux. Le premier groupe d’astronautes américains fut sélectionné pour les missions Mercury, tous d’excellents pilotes militaires avec une grande expérience en vols d’essai et une formation technique de très haut niveau, appelés les Mercury Seven.

On compte 11 missions Mercury sur la période 1960-1963 (dont 10 réussies), à savoir 6 vols habités par des êtres humains, un par Ham le chimpanzé et 4 sans équipage.

Programme Gemini

Le programme Mercury était un premier pas vers l’objectif de Kennedy, mais des missions plus ambitieuses étaient nécessaires pour atteindre la Lune. Le programme Gemini fut lancé en 1965, et bien qu’il soit souvent oublié du grand public, il fut fondamental pour le développement des technologies qui permettraient d’aller sur la Lune. Le vaisseau Gemini était une évolution du Mercury, plus grand, avec une capacité de 2 astronautes et la possibilité d’effectuer des manœuvres de changement d’orbite.

11 vols furent effectués entre 1964 et 1966. Faits marquants du programme :

  • Record de durée pour un vol spatial habité (Gemini 7)
  • Rendez-vous (rencontre en orbite) de deux vaisseaux (Gemini 7, Gemini 6A)
  • Amarrage dans l’espace (Gemini 5, Gemini 8, Gemini 10, Gemini 11, Gemini 12)
  • Sorties extravéhiculaires : Gemini 4, Gemini 8, Gemini 10, Gemini 11, Gemini 12
  • Le vaisseau Gemini était une évolution du Mercury, plus grand, avec une capacité de 2 astronautes et la possibilité d’effectuer des manœuvres de changement d’orbite. Il y eut en tout douze missions entre avril 1964 et novembre 1966.

En plus de cette série de succès, la mission Gemini 8 nous laissa cette anecdote : la performance pleine de sang-froid de Neil Armstrong dans la résolution d’une situation critique en orbite, à la limite du LOCV (Loss of Crew and Vehicle, Perte de l’équipage et du véhicule). Une fois le vaisseau Gemini 8 amarré à la fusée Agena, l’ensemble Gemini-Agena commença à tourner sur l’axe de roulis de façon incontrôlable. Pensant que la rotation provenait d’un dysfonctionnement du système de propulsion de la fusée Agena, il procéda au désamarrage. La rotation empira, ce qui prouvait que le problème venait de Gemini et qu’au contraire Agena permettait de maintenir la rotation à une vitesse modérée. La situation devint critique, mais Armstrong sut réagir : il réussit à reprendre la main et à effectuer une rentrée atmosphérique contrôlée.

Programme Apollo

Même si le programme Apollo fut officiellement lancé en juillet 1960, le premier vol habité n’eut lieu qu’en octobre 1968, dans le cadre de la mission Apollo 7. Le vaisseau Apollo avait une capacité de 3 astronautes et disposait d’un bouclier thermique capable de supporter des rentrées atmosphériques depuis la Lune. Il était constitué d’un module de commande, d’un module de service (sans équipage) et d’un module lunaire.

Apollo 11 sur la rampe de lancement, juillet 1969.

La fusée Saturn V, le lanceur à la plus grande charge utile jamais développé (118 tonnes en orbite basse), fut construite pour pouvoir placer cet ensemble en orbite terrestre et effectuer une injection trans-lunaire. À titre de comparaison, le spectaculaire Falcon Heavy de SpaceX peut « seulement » placer 64 tonner en orbite basse. Avec une technologie de ce niveau, il fallut seulement 4 pas de géants et 7 mois pour atteindre la Lune :

  • Apollo 8 (décembre 1968). Premier vol habité de l’ensemble vaisseau Apollo et lanceur Saturn V. Premier vol habité à entrer en orbite lunaire et donc dans la sphère d’influence de l’attraction gravitationnelle de la Lune.
  • Apollo 9 (mars 1969). Premiers essais du module lunaire habité, en orbite terrestre.
  • Apollo 10 (mai 1969). Essais d’amarrage et de désamarrage entre le module de commande et le module lunaire. Le module lunaire descendit jusqu’à 15 km au-dessus de la surface de la Lune.
  • Apollo 11 (juillet 1969). Premier alunissage. Première sortie extravéhiculaire sur la Lune et premier prélèvement d’échantillons de sol lunaire.

La mission Apollo 11 fut suivie en direct par 600 millions de personnes sur Terre, et démontra la supériorité technologique des États-Unis sur l’Union Soviétique, dont le programme lunaire habité ne dépassa pas le stade des explosions spectaculaires des fusées N-1.

6 autres missions lunaires eurent lieu entre 1969 et 1972, dont 5 réussites totales et une partielle (le retour en vie de l’équipage d’Apollo 13).

La mise hors service du vaisseau Apollo et de la fusée Saturn V en 1975 marque la fin de la capacité de l’humanité à visiter d’autres mondes. Coïncidant avec le 50e anniversaire du succès d’Apollo 11, l’administration américaine a présenté récemment le programme Artemis, dont l’objectif est de se rendre sur la Lune en 2024.

La conquête spatiale a beaucoup changé depuis les années soixante-dix. Le contexte sociopolitique, la technologie, les budgets ou les capacités de l’administration sont aujourd’hui complètement différents, même si le défi reste quasiment le même. Verrons-nous de nouvelles empreintes de pas sur la Lune à court terme ?

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