Skip to content

Abbas Ibn Firnas, le premier homme à voler et à raconter son expérience

Image de Antonio Rodríguez-Laiz

Antonio Rodríguez-Laiz

AERTEC / Marketing & Communication

 

Tout au long de l’histoire de l’humanité, des personnages mémorables ont apporté une contribution exceptionnelle à la science. Nous connaissons nombre d’entre eux et, pour se limiter de façon précise au contexte de l’aéronautique, il nous vient immédiatement à l’esprit des noms célèbres comme de Vinci, Cayley, Montgolfier, Le Bris, Lilienthal, Ader, Pilcher, Whitehead, Zeppelin, Torres Quevedo, Santos Dumont, Wright, Alcock, Forlanini, de la Cierva, Lindbergh, Latécoère et des dizaines d’autres noms encore. D’autres personnages sont toutefois rentrés dans l’histoire de manière plus discrète bien que leur contribution ait été indéniablement remarquable. Tel est le cas du scientifique, historien, poète, inventeur et, cela s’entend, pionnier de l’aéronautique qu’a été Abbas Ibn Firnas.

L’histoire oublie parfois certains pionniers, comme cela pourrait être le cas d’Abbas Ibn Firnas, le premier homme à avoir volé à l’aide d’un engin plus lourd que l’air.

Beaucoup sont surpris en apprenant que cet homme fut la première personne capable de voler avec un engin plus lourd que l’air, en se maintenant dans les airs près d’une dizaine de secondes. En outre, il réalisa cet exploit plus de mille ans avant celui des frères Wright, en 875 pour être plus précis. Mais qui était Abbas Ibn Firnas ?

Ce personnage naît en 810 sous le nom d’Abou Al-Qasim Abbas ibn Firnas dans les environs de la ville de Ronda (Malaga, Espagne). On en sait relativement peu sur son enfance, à l’exception toutefois de la grande culture dont il s’est nourri et des différentes disciplines dans lesquelles il a commencé à exceller, ce qui l’amena inexorablement à s’installer dans la ville la plus riche et la plus influente de l’époque d’Al-Andalus, Cordoue. C’est dans cette cité qu’il s’illustra en tant que scientifique, inventeur, poète, philosophe, alchimiste, musicien et astrologue à tel point qu’il reçut le surnom de Hakim Al Andalus (le sage d’Al-Andalus).

Il développa alors de manière particulière ses facettes de connaissance en contribuant de façon significative au progrès scientifique et artistique dans les cours des émirs al-Hakam (796-822), Abderramán II (822-852) et Muhammad I (852-886).

Dans le domaine des sciences, il fut le premier de toute la péninsule Ibérique, et probablement en Europe, à utiliser les tables astronomiques de Sindhind, d’origine hindoue, qui, plus tard, se révélèrent essentielles dans le développement de la science européenne et furent étudiées dans les universités médiévales en tant que matière du Quadrivium (ensemble des quatre sciences mathématiques de la théorie antique : musique, arithmétique, géométrie et astronomie).

Il introduisit dans le monde occidental la technique de coupe du cristal de roche et développa même des procédures d’alchimie pour créer des cristaux à partir de différents minéraux.

Il conçut pour l’émir de Cordoue une horloge anaphorique, un mécanisme complexe qui utilise l’eau comme liquide moteur (énergie) et dont l’écoulement est stoppé ou autorisé par une série de vannes. Capable de donner l’heure à n’importe quel moment du jour et de la nuit, il s’agissait d’un dispositif assez inhabituel à cette époque.

Il mit également au point la première sphère armillaire (ou astrolabe sphérique) d’Europe, un instrument utilisé pour réaliser des calculs et observations astronomiques approximatives en orientant les cercles de l’objet selon le plan des cercles célestes.

Représentant la voûte céleste, le planétarium articulé mécaniquement qu’il construisit dans sa résidence de Cordoue constitue un exemple de ses connaissances astronomiques avancées. Cette création était également animée d’effets sonores et visuels qui simulaient les différents météores : la tempête, la foudre et le tonnerre.

Dans le contexte de l’aéronautique, Abbas Ibn Firnas est un référent extraordinaire en tant que précurseur du parachute et pour être la première personne à avoir conçu, construit et testé avec succès des engins qui pouvaient se maintenir dans les airs, et ce 600 ans avant que Léonard de Vinci ne dessine ses machines volantes et plus de 1 000 ans avant le célèbre vol des frères Wright.

Il releva son premier défi aéronautique en 852 en se jetant dans le vide du haut de la tour de la mosquée de Cordoue, muni d’une bâche en tant que parachute. Personne n’avait jamais rien tenté de tel. Ou, en tout cas, personne n’a pu en parler jusqu’à cette date. Sa descente fut relativement rapide et son atterrissage plutôt brutal. Il s’en sortit avec plusieurs fractures, mais en ayant la ferme conviction que cela pouvait fonctionner. Cette tentative est considérée de manière générale comme l’utilisation du premier parachute de l’histoire.

Quelques années plus tard, en 875, il conçut un planeur à base de bois et de tissu de soie (décoré de plumes de différents oiseaux) avec lequel il s’élança des collines d’Arruzafa, situées à proximité de Cordoue. Persuadé que cette invention allait marcher, il avait convoqué des centaines de personnes à se placer tout au long du parcours. De nombreux membres de la cour de Muhammad Ier, émir du califat d’Al-Andalus, étaient également présents. Profitant des courants, le vol fut soutenu et dura entre deux et dix minutes (en fonction des chroniques de l’époque prises pour référence). Malgré un atterrissage mouvementé, non seulement il survécut, mais il devint à juste titre le premier homme à voler sur un engin plus lourd que l’air.

Y compris en se basant sur les chiffres les plus pessimistes concernant son vol, sa tentative fut très supérieure en temps et en distance à celle réalisée par les frères Wright en 1903.

Le nom d’Abbas Ibn Firnas est aujourd’hui donné à des aéroports, des ponts, des collines, des parcs, des avenues et des organismes scientifiques, tout particulièrement dans des pays dont le passé est lié au monde arabe, mais ce qui perdurera assurément dans le temps reste le nom d’Ibn Firnas attribué en son honneur à l’un des cratères de la Lune.

 

 

Partager cet article