Intervenants :
- Adria Canals-Macia – Mott MacDonald – Directeur de la concession aéroportuaire
- Lee Lawrence – Tarabot Investment & Development – Directeur des investissements
- Michael Martin – daa International – Premier vice-président technique
- Dr. Fethi Chebil – Expert en PPP aéroportuaire
- Animée par Alan MacGuire d’AERTEC Solutions
Questions posées :
D’après vous, quels sont les plus gros défis que les grandes initiatives de PPP doivent relever aujourd’hui (à la fois dans le secteur public et le secteur privé) ?
Adria Canals : il explique l’importance de l’alignement de tous différents acteurs d’un projet aéroportuaire. Le plus gros défi consiste à élaborer une étude de cas précise et qui fonctionne. Elle doit tenir compte de ce que les investisseurs veulent, ce que le gouvernement veut et ce dont ont besoin toutes les parties prenantes.
Dr. Fethi Chebil : il parle à propos des énormes différences entre le secteur public et le secteur privé et des différences entre leurs objectifs et les perspectives d’un même projet. Le secteur public a tendance à se concentrer sur les attentes et non pas sur les statistiques réelles. Ces attentes sont parfois irréalistes par rapport aux chiffres réels du trafic.
Le secteur privé, quant à lui, se centre toujours sur le risque et la rétribution, c’est-à-dire combien cela coûtera-il aux investisseurs, quels sont les risques et comment sera le rendement. Les projets PPP sont extrêmement complexes et le plus grand challenge consiste à trouver un équilibre entre ces deux secteurs si différents, dans tous les aspects du projet et notamment dans le cadre légal.
Lee Lawrence : il met en évidence une autre question qui n’a pas été soulevée : d’où vient l’argent ? Les entreprises d’investissement peuvent choisir parmi une multitude de projets d’infrastructure, alors pourquoi choisir les aéroports ? Le plus grand défi des investisseurs consiste à élaborer une étude de cas pouvant être présentée aux banques. Il y a dans chaque projet un élément de créance et de fonds propres, mais il semble pourtant que les agences gouvernementales oublient parfois l’élément de créance. Elles doivent comprendre que le risque d’un projet ne peut pas reposer uniquement sur les investisseurs. Dans certaines régions, les banques peuvent aussi connaître des problèmes de liquidité, mais cela n’est pas toujours pris en compte.
Michael Martin : il approuve les autres commentaires ; le plus gros défi est de trouver un terrain d’entente entre les intérêts des actionnaires des secteurs public et privé. Parlonsd’aéronautique .
Au vue des principaux défis et risques, quels sont d’après vous les principaux moteurs et déclencheurs (2-3 maximum) que l’on devrait observer pour optimiser les chances de succès d’une initiative PPP ?
Lee Lawrence : il s’agit simplement de s’assurer que le projet est rentable. L’objectif ne se limite pas seulement à construire une infrastructure qui soutiendra une nation et son développement, il faut aussi fournir une passerelle pour donner une bonne expérience aux passagers. Il y a beaucoup de parties prenantes et l’essentiel est d’être capable de comprendre comment celles-ci vont interagir. Nous devons être conscients que les passagers ont un choix. Par conséquent, lorsque nous développons des aéroports, nous devons nous assurer que le rapport risque-rendement nous permet de comprendre les compagnies aériennes tout en devant aussi essayer de déplacer la dépendance des revenus aéronautiques vers d’autres sources de revenu. Pour ce faire, nous devons être créatifs en nous assurant que les passagers apprécient l’expérience et sont enclins à dépenser.
Adria Canals : le gouvernement doit prévoir une certaine flexibilité dans son cadre réglementaire afin d’assurer un bon développement aéroportuaire. Le contrat doit comporter un mécanisme permettant au projet d’avancer d’une manière raisonnable pour les deux parties. Par exemple, il doit y avoir dans un aéroport moins rentable une méthode visant à aider le concessionnaire à augmenter le trafic dans les phases initiales.
Quels sont les marchés ou les régions leaders ayant témoigné une bonne exécution de projets PPP ? Peuvent-ils tous servir d’exemple d’environnement optimal pour le développement de projets PPP ou bien y a-t-il des réserves ?
Lee Lawrence : l’Arabie saoudite est en train de développer un très important programme de privatisation. Ce qui est particulièrement encourageant dans ce programme est le fait qu’ils vont voir ailleurs pour trouver les meilleures pratiques. J’ai été PDG d’Airport International Group en Jordanie et j’ai participé au processus global de privatisation de la première à la dixième année. L’interaction avec le gouvernement et sa flexibilité pendant les moments problématiques du projet ont été très positives. Ils ont bien compris que nous visions à construire une ressource pour le compte des intérêts du pays ; sans cela, le projet n’aurait pas eu autant de succès. Il est clair que le Moyen-Orient a des progrès à faire, il ne s’agit uniquement de faire des terminaux de 100 M de personnes par an, mais il y a maintenant dans cette région du globe certains domaines, outre l’aviation, fortement tributaires du PPP.
Michael Martin : l’Arabie saoudite a connu de très bons résultats car sa façon de voir les choses était souple et consistait à atteindre l’objectif du projet, sans se centrer réellement sur la façon d’y arriver. Nous avons d’ailleurs observé certaines lacunes dans d’autres régions (les USA par exemple) où le processus était devenu plus important que le but. Lorsque cela se produit, le projet ne peut aboutir.
Adria Canals : en Europe, nous voyons plus de transactions d’aéroports anciens ou de réaménagement d’aéroports. C’est un autre type de transaction. Les transactions ont de plus en plus à voir avec le commerce que l’infrastructure.
Quelles sont les marchés et les régions qui, d’après vous, ont les meilleures chances de développer des projets PPP à l’avenir et pourquoi ?
Dr. Fethi Chebil : le marché américain devrait être une bonne solution pour ceux qui recherchent un placement sûr. L’Arabie saoudite est également un marché très porteur en ce moment. Parlonsd’aéronautique.
Adria Canals : nous voyons de nombreux développement en Asie et en Asie du Sud-Est. Le Japon, qui a remporté le premier round en attirant des opérateurs internationaux, se prépare désormais au deuxième round. Ils ont l’air de savoir ce qu’ils veulent. Dans ce cas, le défi est que souvent là-bas le cadre légal n’est pas assez développé pour faciliter le processus PPP.
Lee Lawrence : une région en particulier qui a récemment attiré mon attention est l’Indonésie en Asie du Sud-Est. Elle est sur le point d’admettre que le PPP est le seul moyen d’y arriver. Curieusement, c’est une compagnie aérienne qui a éveillé mon intérêt en Indonésie et non pas le gouvernement. Air Asia a commencé à jouer le rôle d’investisseur en cherchant à élargir elle-même l’infrastructure aéroportuaire pour répondre à sa demande croissante de passagers. La compagnie était arrivée à la conclusion que d’attendre le gouvernement serait trop long. Il pourrait y avoir là de bonnes opportunités à prendre pour les consultants.
Questions du public :
Carlos Berenguer d’AERTEC Solutions demande pourquoi le Brésil n’a pas été mentionné comme région présentant actuellement des opportunités.
Michael Martin : l’aéroport de Dublin étudiait la génération de privatisations précédente au Brésil. Le processus ressemblait plus à une licitation, c’est-à-dire que le plus offrant remporte le contrat. Il n’y avait pas de processus de présélection et tout le monde donc pouvait y participer. Les choses ont commencé à légèrement s’améliorer au deuxième round des transactions, mais ce n’était pas encore pour nous. Il y a eu des commentaires concernant une question politique particulière entre l’Irlande et le Brésil à propos de la vente des billets des JO donc prendre part aux processus aurait été difficile.
Dr. Fethi : le processus d’appel d’offres lui-même paraissait tuer le marché.
Adria Canals : ils semblaient avoir tiré les leçons du premier round car pour le second round, ils demandaient une expertise et des compétences en gestion et pas seulement l’argent qui paraissait nécessaire au premier round. Les dernières transactions ont vu entrer les meilleurs opérateurs de vol (Fraport, Zurich et Vinci). C’est une bonne chose d’avoir changé les règles.
Ghazi Al-Oufi de la Royal Commission for Jubail and Yanbu demande quel est leur point de vue sur les risques non financiers d’une transaction PPP à la fois pour le secteur public et le secteur privé.
Dr. Fethi : il explique que d’après lui, les plus gros risques non financiers d’un projet PPP sont liés aux modifications des réglementations établies par le gouvernement et si celles-ci sont adaptées et suffisamment remaniées pour faciliter le projet.
Alejandro Martín d’AERTEC Solutions demande si les transactions PPP donnent suffisamment d’importance aux questions liées à l’environnement et au développement durable dans le cadre de l’aéroport
Lee Lawrence : il affirme que les pratiques environnementales sont absolument essentielles. Un bon exemple est la quatrième piste de l’aéroport de Londres-Heathrow. L’une des nations les plus techniquement avancées au monde a mis plus de 40 ans à décider que faire avec la nouvelle piste. Parlons d’aéronautique.
Michael Martin : Il est absolument indispensable de résoudre tous les problèmes environnementaux avant de lancer un projet sur le marché.
Adria Canals : « durabilité » est aujourd’hui devenu le mot d’ordre dans ce contexte. Il s’applique à tous les aspects sociaux et environnementaux. Cela est important pour les grands aéroports mais aussi les plus petits se trouvant dans des pays qui n’ont pas forcément les moyens ; Madagascar par exemple. L’IFC et les banques multilatérales sont impliquées dans des situations où le bon développement de l’aéroport joue un rôle essentiel pour la croissance économique de la région. C’est le cas par exemple lorsque le secteur du tourisme est le principal moteur du développement économique de ces petits pays. Les types de banques qui soutiennent ces projets ont des méthodologies en matière d’environnement très strictes et obligatoires. Parfois, une analyse sociale est également demandée dans le cadre de l’étude environnementale. Dans les pays en développement, certains de ces éléments deviennent en fait plus importants que d’autres aspects comme la longueur de la piste. Pour en revenir à Heathrow, en définitive tout se jouera sur l’étude de la qualité de l’air. Si le résultat est négatif, le projet ne verra peut-être jamais le jour.