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Entretien avec Dr. Pere Suau-Sanchez, Univ. Cranfield

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Le Centre pour le Management du transport aérien de l’université de Cranfield est le premier centre mondial d’enseignement supérieur en management du transport aérien ; il jouit d’une réputation d’excellence en matière de recherche dans le transport aérien. M. Pere Suau-Sanchez, qui a rejoint Cranfield en 2012, est maître de conférences, Directeur du MSc à temps complet et de l’Executive MSc à temps partiel en Planification et management aéroportuaires.

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Avec un tel palmarès en matière d’enseignement aéronautique, comment l’université de Cranfield a-t-elle contribué au secteur au fil des ans ? Quelle est l’importance d’institutions comme la vôtre dans le secteur du transport aérien ?

L’université de Cranfield a été pionnière dans le développement de programmes d’enseignement qui optimisent la carrière des étudiants. De fait, la majorité des diplômés au Royaume-Uni titulaires d’un master en Technologie, ingénierie et formation au management proviennent de chez nous. À cet égard, nous avons célébré en 2014, le 50e anniversaire de notre MSc en Management du transport aérien et au fil des années, plus de 1 300 diplômés de MSc en Management du transport aérien et Planification et management aéroportuaires issus de Cranfield ont influencé le marché du transport aérien sous tous ses aspects.

Nous fournissons au secteur les futurs leaders de l’aviation ; bon nombre de nos étudiants décrochent leur prochain emploi ou peuvent compter sur une promotion avant de quitter l’université et occupent par la suite des positions influentes dans le secteur. En une cinquantaine d’années, nous avons réussi à produire des diplômés de haut niveau, en combinant différentes stratégies. Tout d’abord, notre grande expérience de l’industrie et de l’enseignement nous permet de proposer des sessions et des programmes d’enseignement basés sur la recherche afin de garantir la pertinence de nos cours et des contenus d’avant-garde. De plus, nous utilisons nos propres installations spécialisées, qui comprennent notamment un aéroport et une flotte aérienne, un laboratoire de recherche sur les accidents et des simulateurs de vol. Enfin, nous alignons le contenu de nos cours sur la réalité, nous invitons des conférenciers et des professionnels du secteur ; le conseil consultatif du secteur aérien travaille avec nos universitaires au développement et à l’amélioration de nos cours et à l’étude de nouvelles idées en matière de pédagogie. Par ailleurs, l’aéronautique étant un secteur extrêmement globalisé et hétérogène, nous proposons également une expérience diversifiée grâce à une importante équipe de membres permanents provenant de pays et de milieux différents, tout en nous assurant que chaque groupe possède la plus grande diversité possible en termes de nationalité et de profil des étudiants.

 

Comment envisagez-vous l’avenir de ce type d’enseignement spécialisé ? Le secteur aéroportuaire connaît de nombreux changements et tendances, en quoi cela vous affecte-t-il ?

img-inside-PereSuauSanchezLorsque l’on s’intéresse au secteur aéroportuaire, on sent bien que les entreprises ne recherchent plus des profils traditionnels. Le secteur aéroportuaire et la nature du travail ont évolué, tout comme le profil des professionnels recherchés. Dans le passé, le secteur se concentrait sur la construction d’infrastructures et les solutions d’ingénierie ; désormais, seuls les projets et les entreprises à visée commerciale peuvent survivre sur ce marché de plus en plus compétitif. Les projets sont plus complexes, le fait de disposer d’équipes multidisciplinaires ne suffit pas toujours. Les travailleurs doivent compléter leur savoir en ingénierie et techniques de planification par des compétences en économie, finance et management afin d’exécuter des projets nécessitant des approches hybrides et de s’y sentir à l’aise. D’ailleurs, nous avons pu remarquer que certaines des propositions les plus innovantes en matière de management aéroportuaire émanaient de professionnels qui bénéficiaient d’une précédente expérience dans d’autres secteurs, notamment la vente au détail. Nous avons également constaté l’importance grandissante des compétences non techniques (communication, adaptabilité, gestion du temps, leadership, capacité à travailler en équipe, etc.), qui sont devenues essentielles au succès des entreprises du secteur aéronautique.

Dans ce contexte, nous essayons chaque année d’apporter les modifications nécessaires à notre MSc en Planification et management aéroportuaires, afin de l’adapter au mieux à la dynamique du secteur. L’an dernier, par exemple, nous avons complètement repensé les modules « Gestion des finances et des affaires aéroportuaires » et « Aménagement des aéroports » ; d’autre part nous avons augmenté le nombre de travaux et de présentations en groupe.

En ce qui concerne l’évolution du cours, il convient de mentionner que l’enseignement supérieur connaît actuellement des transformations profondes liées au développement de l’apprentissage assisté par la technologie. L’utilisation de la technologie dans l’enseignement supérieur peut permettre d’enrichir l’expérience des étudiants. Dans notre centre, nous utilisons la technologie en classe pour partager les idées des étudiants via les réseaux sociaux ; pour aider les étudiants à utiliser les connaissances acquises de manière pertinente dans leur travail, pour personnaliser l’apprentissage et offrir un service de développement de carrière sur mesure aux étudiants et aux anciens élèves. En ce sens et puisque nous avons adopté un modèle d’enseignement entièrement numérique il y a quelques années, nos étudiants peuvent bénéficier d’une remise pour l’achat d’une tablette lors de leur inscription. L’usage de la tablette nous a permis de commencer à mettre en place des techniques d’apprentissage innovantes telles que l’apprentissage mixte (qui associe apprentissage présentiel et numérique) et la classe inversée (qui consacre plus de temps de classe aux projets collaboratifs, à la résolution de problèmes et aux débats).

 

Selon vous, et au vu de la dimension internationale du secteur aéroportuaire, en quoi est-il important pour des institutions telles que Cranfield d’ouvrir des centres dans différents pays ? Quels facteurs entrent en compte dans le choix du lieu d’ouverture d’un nouveau centre ?

Le transport aérien et le secteur aéroportuaire revêtent effectivement une dimension de plus en plus globale et le centre de gravité de l’économie mondiale s’est déplacé vers l’est, ce qui se traduit par une hausse significative de l’activité du transport aérien et des projets aéroportuaires au Moyen-Orient et en Asie. Pour répondre à cette demande en hausse, il y a deux ans, nous avons signé un partenariat avec la Singapore Aviation Academy pour offrir notre Executive MSc à temps partiel en Management du transport aérien. Le fait d’être à Singapour nous donne accès aux marchés de l’Asie du Sud-Est et de l’Afrique de l’Ouest. Nous avons choisi cet endroit pour son accessibilité à l’échelle mondiale et régionale et pour son rôle traditionnel de plateforme de l’apprentissage dans la région. Nos relations existantes avec la Singapore Aviation Academy ont également été un facteur majeur. Il est important de souligner que nous proposons à Singapour exactement la même formation qu’à Cranfield. Nos maîtres de conférences de Cranfield s’y rendent pour impartir leur enseignement ; les étudiants de Singapour peuvent bénéficier des modules facultatifs disponibles à Singapour et à Cranfield, ainsi que d’un accès à l’ensemble de nos données et à notre bibliothèque en ligne. Après le lancement réussi de notre Executive MSc à temps partiel en Management du transport aérien, nous étudions la possibilité de proposer dans un futur proche un Executive MSc à temps partiel en Planification et management aéroportuaire.

 

Quel est le profil géographique type de vos étudiants en terme d’origine et de lieu de travail à la fin de leurs études ? 

Globalement, si l’on considère les cours en Planification et management aéroportuaire à temps complet et à temps partiel, nous disposons d’une population d’étudiants très hétérogène. Près de la moitié d’entre eux proviennent de l’Union européenne, l’Espagne, la France, les Pays-Bas et l’Allemagne étant les pays les plus représentés. En ce qui concerne les étudiants hors UE, nous recevons un nombre grandissant d’étudiants en provenance d’Asie, en particulier l’Indonésie, l’Inde, la Chine et Hong Kong et du Moyen-Orient, notamment les Émirats arabes unis et Oman. Certains de nos étudiants viennent également d’Afrique, d’Amérique du Nord et d’Amérique latine.  En ce qui concerne la répartition géographique des postes que décrochent nos étudiants, les pays émergents, en particulier ceux du Moyen-Orient, ont embauché un nombre substantiel de diplômés pour faire face à la croissance rapide et soutenue de leurs aéroports et compagnies aériennes. Nous sommes également heureux de voir que les entreprises européennes du secteur de l’aménagement des aéroports, l’ingénierie et les transactions aéroportuaires qui possèdent un portefeuille de clients internationaux, en particulier en Asie et en Amérique du Sud, font encore preuve d’une importante capacité à accueillir des diplômés. Nous nous réjouissons, car tous nos étudiants peuvent s’assurer un emploi dans une entreprise leader du secteur avant ou peu après la fin de leur MSc.

 

D’après vous, comment peut-on améliorer les relations entre les institutions spécialisées dans l’enseignement aérien et les entreprises du secteur ?

Nous tâchons d’être proactifs et nous réévaluons constamment la façon dont nous échangeons des idées et interagissons avec le secteur. De fait, nous sommes sur le point de relancer notre Conseil consultatif du secteur aérien afin de renforcer nos relations avec les entreprises du secteur et d’adapter notre offre pour répondre aux défis qu’elles rencontrent.

Nous essayons également d’être proches du secteur aéroportuaire en partageant nos recherches en matière industrielle et universitaire lors des principaux rassemblements tels que la Global Airport Development Conference ou la Passenger Terminal Expo Conference. Ces forums constituent une occasion de bénéficier de retours d’informations, mais aussi d’élargir notre réseau, deux éléments d’une importance capitale pour conserver notre place de leader de l’enseignement supérieur en planification et management aéroportuaires.

Nous proposons également des services de conseil en recherche indépendante aux gouvernements, aux organisations aéroportuaires et autres cabinets de conseil.

Enfin, en ce qui concerne les domaines à améliorer, nous souhaiterions voir plus de thèses de MSc subventionnées par des partenaires industriels. Cependant, nous comprenons qu’il n’est pas toujours simple de trouver l’équilibre entre exigences de la recherche universitaire et intérêts commerciaux.

 

L’une des tendances actuelles du secteur aéroportuaire en général semble être le hub aérien géant. Il semblerait même que l’on assiste à une compétition pour créer le plus grand aéroport au monde. Qu’en pensez-vous ?

En effet, il semble que plusieurs pays soient en compétition pour posséder le plus grand hub aérien. L’importance critique des économies de densité (les économies de densité surviennent lorsque le coût unitaire moyen d’une route aérienne baisse du fait de la hausse du trafic sur cette route) dans l’économie des compagnies aériennes signifie que, de nos jours, seuls les aéroports qui disposent d’une plateforme de correspondance aéroportuaire peuvent proposer un large choix de vols vers des destinations intercontinentales. Ces aéroports et ces régions profitent alors d’un avantage compétitif pour capter des marchés et des activités à forte intensité de savoir, où l’échange direct d’informations est vital. Cependant, il est vrai que les progrès technologiques dans l’aéronautique et l’évolution des modèles économiques des compagnies aériennes créent de nouvelles opportunités pour les villes de deuxième rang, même si à l’échelle mondiale ceux-ci ne sont pas suffisants pour inquiéter les grands hubs aériens qui détiennent le pouvoir de marché.

Néanmoins, je pense que la recherche devrait s’intéresser davantage aux limites de croissance et aux déséconomies liées aux grands aéroports. Certes, l’atomisation du trafic aérien augmente les coûts d’exploitation, mais le concept d’économies d’échelle pourrait avoir ses propres limites (les économies d’échelle se produisent lorsque le coût par unité de production diminue alors que l’échelle d’exploitation augmente tandis que les coûts fixes sont répartis sur des unités de production plus nombreuses). Par exemple, les grands hubs aériens peuvent souffrir d’engorgement de l’espace aérien, de congestion de l’accès par transport terrestre ou encore peuvent pénaliser l’expérience des passagers en les obligeant à marcher sur de longues distances pour effectuer la correspondance entre leurs vols. Les progrès en termes de créativité et de technologie peuvent parfois aider à lutter contre ces déséconomies, mais des études ont montré que certains aéroports fonctionnent avec des rendements d’échelle décroissants.

Pour conclure, je dirais que le concept de capacité d’aéroport pourrait être remis en cause et probablement remplacé par l’idée de capacité environnementale, qui tient compte de la pollution sonore causée par les aéroports et de leur impact sur les communautés alentour.

 

 

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