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Présent et futur des hydravions

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Rafael Muga

AERTEC / Airport planning & Design

Les hydravions sont des aéronefs spéciaux dont la particularité est de pouvoir atterrir et décoller sur des plans d’eau. Apparus aux débuts de l’aviation, ils ont joui d’un grand prestige jusqu’au milieu du XXe siècle grâce au niveau d’infrastructures pratiquement nul requis pour leur exploitation.

Dans un monde de plus en plus soucieux du respect de l’environnement, leur capacité à travailler sur l’eau pratiquement sans aucune nécessité d’infrastructure aéroportuaire est un avantage indéniable pour leur développement.

Ils s’avèrent particulièrement intéressants car ils se trouvent « à cheval » entre l’ingénierie navale et l’ingénierie aéronautique. Ils constituent aujourd’hui un segment du trafic aérien commercial en pleine expansion à l’avenir prometteur.

On les classe habituellement dans deux catégories différentes :

la première d’entre elles comprend les aéronefs conventionnels dont le train d’atterrissage a été remplacé par des flotteurs. Leur fuselage ne touche pas l’eau. On les appelle parfois « hydravions à flotteurs ». On peut citer comme exemple le modèle DHC-6 Twin Otter, considéré par beaucoup comme l’aéronef ayant enregistré le plus grand nombre de ventes dans l’histoire du Canada. Ce modèle d’avion peut même atterrir sur une plage de sable, comme c’est le cas quand il opère à l’aéroport Barra Eoligarry, en Écosse (code IATA : BRR, code OACI : EGPR).

DHC-6 Twin Otter
DHC-6 Twin Otter

Le second type d’hydravions est composé d’aéronefs dont le fuselage a la forme d’une coque de navire, ce qui assure la flottabilité nécessaire lors des manœuvres d’amarrage ou du déplacement sur l’eau pendant le décollage ou l’amerrissage. Les ailes de ce type spécial d’aéronefs sont généralement situées en hauteur et les moteurs sont installés de sorte à être le plus loin possible de l’eau. On les appelle parfois des « hydravions à coque ». Comme exemple, on peut citer les Canadair CL215, choisis comme hydravions par l’Armée de l’air espagnole, qui sont spécialement efficaces pour combattre les feux ainsi que pour d’autres activités telles que la lutte contre le trafic de drogue ou le contrôle de l’immigration illégale.

Canadair
Canadair CL-215

Il est faux de croire que les hydravions sont obligatoirement de petits aéronefs : l’hydravion amphibie le plus grand du monde, les dimensions du modèle AG600 Kunlong, fabriqué en Chine, sont de 36,9 mètres de long et 38,8 mètres d’envergure (il est classé sous le code D de l’OACI). Avec un poids maximum de 53,5 tonnes au décollage et une portée maximale de 4 500 km, il peut transporter jusqu’à 50 passagers et 12 000 litres l’eau (dans sa version adaptée à l’extinction d’incendie). Cliquer sur le lien ci-dessous pour voir la vidéo promotionnelle et l’observer lors de son premier vol d’essai : vidéo

Comme curiosité, on peut citer le modèle Beriev Be-200 (en russe : Бериев Бе-200), alias « Altair ». C’est le seul hydravion à réaction au monde, avec une envergure de 32,7 m.  Le lien ci-dessous le montre en pleine action : vidéo.

AG600 Kunlong / Beriev Be-200
AG600 Kunlong & Beriev Be-200

Signalons également, dans ce second type d’hydravions, le modèle Hughes H-4 Hercules. Beaucoup le considèrent comme la plus grande excentricité de son créateur, Howard Hughes, avec ses 66,65 m de long et une envergure de 97,54 m (!). À son époque (1947), c’était le plus grand hydravion au monde. Bien qu’en grande partie construit en bois, il a réussi à décoller et à atterrir… mais une seule fois !

Hughes H-4 Hercules & Boeing 314 Clipper
Hughes H-4 Hercules & Boeing 314 Clipper

Généralement, les deux types d’hydravions décrits (à flotteurs et à coque) sont capables d’opérer dans des aérodromes conventionnels. On les appelle habituellement des « avions amphibies ». Signalons, en tant qu’anecdote, que l’« ancre » ne doit jamais être oubliée dans un nouveau modèle d’hydravion.

Voici quelques-uns des principaux constructeurs d’hydravions au monde : Aztec Nomad et Viking Air (canadiens), Dornier (allemand), ShinMaywa (japonais) et Beriev (russe). Aux États-Unis, on peut mentionner : Aviat, Bombardier, Cessna et Seawind.

Curieusement, ni Airbus ni Boeing ne figurent parmi eux, même si historiquement, Boeing a construit son modèle Boeing 314 Clipper jusqu’en 1941. À son époque, il fut le plus gros transporteur commercial au monde à être construit en série et il était conçu pour les vols transocéaniques.. Il pouvait transporter 74 passagers dans sept compartiments de luxe. Il était également équipé d’un réfectoire pour 14 personnes et d’une suite nuptiale dans la partie arrière, près de la queue de l’avion.

Le transport massif de passagers en hydravion a perdu en popularité dans les années 50, en raison de leur efficacité inférieure à celle des avions conventionnels, dont l’aérodynamisme était alors plus élaboré ; ils pouvaient, de plus, déposer un grand nombre de passagers directement dans les aéroports terrestres.

Cependant, l’avenir pourrait être différent et prometteur, et je m’avancerais même à dire qu’il pourrait être spectaculaire. À l’heure actuelle, beaucoup d’aéroports « terrestres » présentent des problèmes dus à l’impact que suppose leur présence sur le voisinage. La législation relative au bruit, de plus en plus restrictive, impose d’énormes contraintes, souvent encore plus strictes en raison du manque d’espace pour agrandir les aérodromes, qui sont « acculés » par le développement urbanistique de la ville qu’ils desservent.

En réponse à ces difficultés, plusieurs développements conceptuels d’hydravions transocéaniques ont déjà eu lieu. Ils se basent sur le concept d’une « aile volante », plus efficace du point de vue aérodynamique que la configuration habituelle « aile-fuselage ».

Les premiers plans conceptuels estiment que ce type d’aéronef doit avoir une longueur de 80 m, une hauteur maximale de 20 m et une envergure de… 160 m ! (ce qui correspond au double de la valeur maximale fixée par l’OACI pour les plus grands aéronefs, qui portent le code F). L’Airbus A380, à l’heure actuelle le plus grand avion de transport commercial, a une envergure de 79,75 m (c’est-à-dire la moitié) et une longueur de 72,73 m. Ces nouveaux hydravions pourraient transporter jusqu’à 2 000 passagers alors qu’un Airbus A380 ne peut en transporter que 853 dans sa configuration de densité optimale.

Conceptual seaplane Imperial College

Évidemment, les infrastructures terrestres ne sont pas adaptées à l’exploitation d’aéronefs de telles dimensions. De plus, l’OACI serait tenue d’établir une réglementation spécifique les concernant. En mer, grâce à l’amplitude de l’espace libre, ce problème n’existe pas.

Par ailleurs, les moteurs de ce type d’aéronefs seraient situés dans la partie supérieure, ce qui présente des avantages en matière d’émissions sonores. En effet, le décollage et l’amerrissage ayant lieu sur des plans d’eau a priori éloignés de la côte, la pollution sonore n’imposerait aucune contrainte au déroulement normal de leurs opérations.

Leurs grandes dimensions, en plus d’améliorer l’efficacité aérodynamique, favorisent également leur fonctionnement en cas de forte houle. Si nécessaire, des brise-lames flottants peuvent être mis en place, ce qui est techniquement faisable, même en haute mer.

Les hydravions sont des « machines volantes à moteur » plus respectueuses de l’environnement, puisqu’ils les infrastructures dont ils ont besoin pour leurs opérations sont des plans d’eau naturels. De surcroît, un hydravion n’exige pas non plus l’exclusivité de l’usage des superficies d’eau, qu’il peut souvent partager efficacement avec d’autres utilisateurs. Et n’oublions pas que 70 % de la surface de notre planète est composée d’eau !

Alors qui sait ? Nous pourrons peut-être un jour observer des hydravions transocéaniques décoller de Malaga, Barcelone, New York, Lisbonne, Buenos Air, Hong Kong… L’avenir nous le dira.

 

Canadair del 43 Grupo del Ejército del Aire de España

 

Crédits:
DHC-6 Twin Otter / Gordon Leggett – CC-BY-SA-4.0
DHC-6 Twin Otter / Tony Hisgett – CC-BY-SA-2.0
Canadair CL-215 / Contando Estrelas – CC-BY-SA-2.0
AG600 Kunlong / Alert5-001 – CC-BY-SA-4.0
Beriev Be-200 / Michael Sender – CC-BY-SA-3.0

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