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Entretien avec Tim Wilschetz, KPMG

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Tim Wilschetz

 

Tim Wilschetz, Directeur, KPMG LLP (États-Unis)

« Les États-Unis tirent des leçons de la collaboration fructueuse entre les aéroports publics et privés à l’échelle mondiale, en particulier dans la façon d’équilibrer le coût du capital et le partage des risques avec le secteur privé. »

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Vous disposez de plus de 30 années d’expérience dans des projets d’infrastructure, plus particulièrement dans les domaines du financement de projets et du conseil. D’après vous, dans quelle mesure la participation des secteurs public et privé dans l’infrastructure mondiale a-t-elle changé ?

Les États-Unis constituent un environnement unique pour la fourniture d’infrastructures publiques, étant la seule grande économie mondiale qui offre aux organismes publics un accès direct, à un coût de financement du capital inférieur à celui des entités privées, sous la forme d’obligations exonérées d’impôt. Avant l’adoption récente de la législation accordant des attributions exonérées d’impôt à des organismes publics, qualifiées d’« obligations d’activités privées » et destinées à des projets spécifiques, seul un nombre limité de prestataires de services publics, par exemple les aéroports et les promoteurs de logements sociaux, avaient accès à ces capitaux à faible coût. Cependant, avec l’émergence des partenariats public-privé (également connu en tant que PPP, ou « 3P ») aux États-Unis, tout d’abord dans le secteur des autoroutes et routes à péage, et plus récemment dans le secteur des infrastructures sociales, les commanditaires publics ont été très bien informés des possibilités de partage efficace des risques avec de nouveaux partenaires privés. Cette meilleure compréhension est arrivée à point nommé pour de nombreuses agences publiques qui ont été confrontées au double défi du vieillissement de la base d’actifs et du manque de nouveaux capitaux d’investissement. Pour ces agences, des concepts comme les coûts des cycles de vie et le transfert de risque, associés à de nouvelles sources de capitaux privés et à la prise de risque, ont donné lieu à un large spectre de nouvelles options.

Pour les acteurs mondiaux sur les marchés du développement de projets, de la construction et de l’investissement, ces mêmes changements ont ouvert l’une des plus grandes économies du monde à une nouvelle concurrence et à de nouvelles opportunités. Bien que les prestations sous forme de 3P ne soient pas adoptées par tous les organismes publics, la taille même du marché américain a fourni une raison à de nombreux acteurs américains « non traditionnels » d’y étendre leurs activités.

 

Le modèle de partenariat public-privé (3P) est une stratégie réussie et croissante dans le secteur aéroportuaire. Le modèle 3P constitue-t-il la meilleure formule pour le développement et la modernisation des infrastructures aéroportuaires ?

Cette question est intéressante, car notre gouvernement ne traite pas les aéroports de la même façon que d’autres infrastructures publiques. Les États-Unis ont longtemps reconnu la dépendance des propriétaires d’aéroports à la performance des compagnies aériennes qui fournissent des services de transport de passagers et de fret privé et, par conséquent, le secteur aéroportuaire américain s’est vu accorder l’accès au marché des obligations d’activités privées, exempt de taxes. En fait, les aéroports américains, qu’ils soient moyens ou grands, comptent parmi les émetteurs les plus importants de ce type de dette pour le financement d’infrastructures coûteuses, que ce soit côté ville ou côté piste. Dans l’histoire des aéroports américains, il est important de noter qu’ils ont toujours été construits sur leur propre modèle de « partenariat public-privé », en particulier en ce qui concerne les accords complexes avec des compagnies aériennes qui paient des redevances pour l’atterrissage de leurs avions et la location de terminaux, des agences de location de voitures et des exploitants de parkings qui fournissent des services en échange de concessions ou autres redevances, et une multitude de concessionnaires locaux et nationaux qui offrent des services dans l’alimentaire, le shopping et autres types de prestations.

Les nouvelles applications 3P sont un peu différentes cependant. Les aéroports américains sont de plus en plus intéressés par l’intérêt des investisseurs stratégiques ou financiers de mettre leur propre capital en péril par le biais d’investissements directs en actions, parallèlement au financement de la dette aéroportuaire, afin d’encourager un rendement à plus long terme. Ainsi, là où les 3P de type aéroportuaire mettaient l’accent sur les ententes à court terme pour le développement ou l’exploitation d’un bien immobilier, le nouveau modèle de 3P permet d’exécuter et de financer des projets de façon créative, de manière à ce que les partenaires privés et le commanditaire de l’aéroport s’entendent pour une période beaucoup plus longue, dans certains cas toute la durée utile du bien. Je pense qu’il s’agit d’une grande évolution du marché aéroportuaire, qui incite à la créativité et à l’engagement du secteur privé et qui aide à trouver des solutions aux défis compliqués des aéroports américains.

 

Dans les projets liés aux transports, au cours des dix dernières années, le mode 3P est devenu très courant aux États-Unis. Existe-t-il un cadre réglementaire particulier pour l’investissement privé ? Existe-t-il moins d’obstacles politiques aux ententes 3P ?

Le marché américain des partenariats public-privé a parcouru un long chemin au cours des 20 dernières années, mais pour répondre à cette question, il faut tenir compte de l’évolution des moteurs de valeur qui sous-tendent les actifs qui ont été développés et gérés. Un petit nombre de projets 3P a émergé au début des années 2000 en Virginie, au Texas et en Floride, en partie à cause de l’ampleur des besoins dans ces États. Les premiers projets de partenariats public-privé ont été envisagés là où d’anciens « mégaprojets » routiers de désengorgement de l’ordre du milliard de dollars ou plus chacun auraient autrement eu accès à des ressources publiques, laissant peu de financements classiques pour répondre aux besoins croissants de maintenance. Ces projets ont été développés en tant que concessions à péage à risque, afin de combler les lacunes des budgets de transport de l’État. Avec le temps, les promoteurs publics se sont familiarisés avec les structures 3P qui ne génèrent pas de revenus, comme les concessions dont le paiement est fondé sur la disponibilité et les structures hybrides, où les organismes publics conservent les risques liés aux revenus et rémunèrent les promoteurs pour leur rendement opérationnel. Plus récemment, ces structures alternatives ont été acceptées dans l’espace de l’infrastructure sociale pour des actifs tels que les logements étudiants et les installations aéroportuaires ; je pense que, de plus en plus, les organismes publics adopteront ces nouveaux modèles.

Cela étant dit, le marché américain est régi en grande partie par le cadre réglementaire spécifique de chacun des 50 États et il est donc difficile de généraliser lorsqu’il s’agit d’obstacles réglementaires ou politiques. Il me semble que le marché bénéficie d’un nombre croissant d’organismes pairs qui ont adopté des approches innovantes, fournissent des antécédents de cas et prouvent l’attrait du secteur privé pour le partage des risques à moindre coût.

 

Pensez-vous que le modèle 3P soit actuellement envisagé par les autorités aéroportuaires américaines ? Verrons-nous, à l’avenir, plus d’aéroports américains basés sur des projets 3P ?

Pour les raisons évoquées précédemment, les aéroports américains ont toujours montré une version intéressante des partenariats public-privé, fondée sur des accords contractuels avec les nombreuses entités privées et nécessaires pour améliorer l’expérience des passagers. Dans le cadre d’un développement favorable du marché, l’intérêt croissant des promoteurs aéroportuaires dépend de plus en plus de la tarification du cycle de vie et d’une répartition plus efficace des risques sur son ensemble, plutôt que sur des opérations purement à court terme. De tels modèles démontrent aujourd’hui leur valeur pour des composantes discrètes des aéroports, telles que les systèmes de transport de personnes, les installations de location de voitures, les centrales électriques et dans des cas tels que l’aéroport de Denver et les aéroports LaGuardia, JFK et Newark à New York, la modernisation complète des terminaux. Du fait que ces importantes plaques tournantes américaines de premier plan adoptent des approches de partenariat public-privé à long terme, je crois que le modèle gagnera également en popularité auprès d’autres plaques tournantes aéroportuaires, grandes et moyennes, qui cherchent à exploiter l’innovation du secteur privé pour des éléments aéroportuaires similaires lorsqu’il propose une valeur unique.

 

Quels sont les principaux avantages à choisir un modèle 3P dans les infrastructures aéroportuaires ?

Le modèle opérationnel des aéroports américains dépend de l’efficacité de l’interface entre le gouvernement et les nombreux intérêts privés qui fournissent un service. Ce qui manque dans le modèle américain, d’après moi, c’est un moyen rentable d’exploiter l’innovation et la prise de risque privées pendant tout le cycle de vie de l’actif, plutôt que pour des opérations à court terme. Des approches de financement créatives, comme les investissements conjoints dans les fonds publics, associés à une part gérable de la dette imposable et des capitaux propres, peuvent accroître les possibilités de partenariats solides sans compromettre davantage l’accessibilité financière. Les États-Unis tirent des leçons de la collaboration fructueuse entre les aéroports publics et privés à l’échelle mondiale, en particulier dans la façon d’équilibrer le coût du capital et le partage des risques avec le secteur privé. L’équilibre est fragile et nécessite d’excellentes informations afin de répondre aux besoins et aux préoccupations des nombreux intervenants publics et des clients des aéroports. Nous avons pu constater des développements de partenariat public-privé efficaces dans les trois principaux aéroports de New York et comme nous le voyons dans les projets Great Hall de Denver, APM et CONRAG à Los Angeles (LAX), ce nouveau modèle de collaboration permettra d’harmoniser l’innovation privée et le partage des risques avec la bonne gestion publique d’une infrastructure de haut niveau, conçue comme un « portail communautaire », le tout dans l’intérêt de l’ensemble des voyageurs.

 

Les informations contenues dans le présent document sont d’ordre général et ne tiennent pas compte des circonstances spécifiques à une personne ou à une entité.

 

 

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